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Hors industrie militaire, l'économie russe recule de 0,3% chaque mois: Moscou sous pression après l'effondrement des recettes de gaz et de pétrole

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Le président russe Vladimir Poutine s'est rendu en Chine afin de participer au sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) alors que son pays accuse le coup, sur le plan économique, d'un conflit ukrainien sans fin.

Le sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS), qui s’est achevé lundi soir à Tianjin, a tourné à la démonstration de force pour Xi Jinping. Une vingtaine de dirigeants entouraient le chef d'Etat chinois et symbolisait un bloc alternatif à l’Occident. Parmi eux figurait le président russe Vladimir Poutine qui traverse un moment crucial pour resserrer ses liens avec ses homologues indiens et chinois, alors que l’économie russe bat de l’aile.

Le PIB russe a en effet plongé en 2022 en raison du début du conflit en Ukraine et de l’arrivée des premières sanctions occidentales. S’en est suivi un rebond spectaculaire: durant deux ans, la croissance du pays a été dopée par l’économie de guerre entre commandes publiques et industrie de défense en surchauffe. Mais depuis peu, la dynamique s’essouffle. Moins de revenus pétroliers, des sanctions renforcées et un déficit budgétaire en explosion : l’économie russe accuse le coup. 

A tel point qu'en juin dernier, au Forum de Saint-Pétersbourg — le "Davos russe" —, le ministre de l’Économie a reconnu que la Russie était “au bord de la récession”. Vladimir Poutine a aussitôt répliqué :

"Certains spécialistes pointent du doigt une récession, nous ne pouvons nous le permettre en aucun cas."

Une dépendance au secteur de la défense

La croissance russe dépend aujourd’hui quasi exclusivement de la défense. Le dernier rapport du Centre d’Analyse macroéconomique et de Prévision (CMASF, lié au Kremlin) publié fin juillet, met en lumière une réalité troublante: hors industries de défense, la production civile se contracte chaque mois de 0,3%.

Et pour cause, le secteur automobile vacille à l'image de cette baisse de 25 % des ventes de voitures neuves depuis le début de l’année. Le patron d’Avtovaz (Lada) tirait déjà la sonnette d’alarme en avril face aux taux inchangés de la Banque centrale et à la montée en puissance de la concurrence chinoise. De son côté, le secteur du bâtiment plonge, tous les matériaux de base (ciment, etc.) affichant de fortes baisses de production. Le secteur est ainsi revenu à son niveau de l’été 2020, en pleine crise Covid. Même l’industrie militaire russe, malgré des dépenses record, serait en régression selon un rapport récent du think tank Chatham House.

Baisse des recettes énergétiques

Le gaz et le pétrole pèsent 16 % du PIB russe, contre 17 % avant la guerre, leur part étant en léger recul. Mais en juillet, les recettes gazières et pétrolières se sont effondrées de plus d’un tiers par rapport à juillet 2024 d'après les données de Reuters. Une chute qui s’explique par la baisse des prix mondiaux et la perte du marché européen, mais aussi par le repli indien. Sous pression de Donald Trump qui menace de sortir la matraque fiscal à tous ceux qui achètent du petrole russe, New Delhi a en effet réduit ses importations. Et malgré les nouveaux débouchés, comme le marché turc ou encore la Chine qui augmente ses importations energétiques depuis la Russie, Moscou ne parvient pas à combler les pertes indiennes.

L’inflation russe, toujours élevée, décroît lentement, de plus de 10 % en mars à 8,8 % en juillet, suite aux récentes baisses des taux directeurs lesquels sont passés de 21 % à 18 % depuis juin. En ce qui concerne l’alimentaire, les signaux restent particulièrement inquiétants: la pomme de terre, ingrédient de base, a vu son prix grimper de 66 % en un an tandis que celui de la viande de boeuf a progressé de 15%, un record depuis 2002, date à laquelle remontent les premières statistiques officielles. La Russie est donc une économie de guerre en trompe-l'œil : le plan large montre une économie qui résiste mais le plan serré révèle la fragilité des secteurs civils. 

Mathieu Jolivet