Droits de douane: pourquoi Donald Trump a décidé d'épargner la Russie d'une nouvelle hausse

Le président des États-Unis, Donald Trump et le président de Russie, Vladimir Poutine, 2024 - Alexander NEMENOV, Elijah Nouvelage / AFP
La Russie s'en sort bien, en tout cas mieux que de nombreux pays. Les marchés mondiaux sont confrontés à des chutes spectaculaires ce lundi 7 avril, après que Donald Trump a initié une guerre commerciale en imposant des droits de douane massifs notamment en Europe et en Asie. Plusieurs pays ont cependant été exemptés de cette hausse des droits de douane, dont la Russie.
Questionné sur ce choix, le principal conseiller économique de la Maison Blanche, Kevin Hassett, a mis en avant les négociations en cours avec Moscou et Kiev sur la guerre en Ukraine.
"Je pense que le président a pris la décision de ne pas mélanger les deux questions", a-t-il déclaré ce dimanche.
Des sanctions déjà en place
Mercredi dernier, la présidence avait justifié l'absence de la Russie, mais aussi de la Biélorussie, de Cuba et de la Corée du Nord, de la liste, en disant qu'ils faisaient l'objet de sanctions américaines, ce qui bloque déjà tout commerce significatif.
C'est également le discours défendu par les médias russes. Jeudi dernier, la chaîne d'État Rossiya 24 a soutenu que Moscou ne bénéficiait d'aucun "traitement de faveur". "C'est simplement que des sanctions occidentales sont déjà en place contre notre pays", assure le média, selon la BBC.
Des échanges réduits mais toujours existants
Les pays visés par les hausses de droits de douane sont nombreux et même des territoires comme la Syrie, qui compte pourtant peu d'échanges commerciaux avec les États-Unis, ou un territoire comme l'île australienne Norfolk, quasiment inhabitée, n'ont pas été exemptées.
De son côté, l'Ukraine a subi une hausse de 10% de ses exportations vers les États-Unis. Selon son vice-Premier ministre, Kiev a exporté des marchandises d'une valeur de 874 millions de dollars (796 millions d'euros) vers Washington en 2024.
Si la présidence Trump soutient que les échanges commerciaux entre États-Unis et Russie sont réduits, ils représentaient tout de même l'équivalent de 3,5 milliards de dollars (3,1 milliards d'euros) en 2024, selon le Bureau du représentant américain au commerce.
Parmi ces exportations, notamment, de l'uranium enrichi, des engrais azotés, ainsi que des métaux, dont le platine, d'après l'Observatoire de la complexité économique (OEC).
"Une décision politique"?
En 2022, lorsque la Russie lance l'invasion de l'Ukraine, les États-Unis imposent des sanctions économiques à grande échelle contre Moscou.
Depuis, la situation a évolué. Le président américain a fait de la signature d'un cessez-le-feu entre Moscou et Kiev l'une de ses priorités. La raison de l'exemption russe pourrait donc ne pas être purement commerciale.
"C'est une décision politique", estime auprès du New York Times, Alexandra Prokopenko, membre du Centre Carnegie Russie Eurasie à Berlin et ancienne fonctionnaire de la banque centrale russe.
"Donald Trump ne veut pas provoquer une escalade alors que ses discussions avec Vladimir Poutine sont en cours", juge-t-elle, considérant que le président américain tente peut-être de se garder un moyen de pression contre Vladimir Poutine en vue d'un accord de paix sur l'Ukraine.
Des sanctions américaines contre Moscou à venir?
Pendant que la Russie est épargnée, l'Iran bénéficie par ailleurs aussi d'une hausse des droits de douane de seulement 10%, le taux d'augmentation le plus faible et un taux qui est inférieur à celui imposé à Israël, pourtant allié de longue date des États-Unis. De quoi alimenter là aussi l'idée que Donald Trump se sert des droits de douane comme outil diplomatique.
Selon le New York Times, la nature des exportations russe joue potentiellement un rôle aussi dans la décision du locataire de la Maison Blanche. Moscou est notamment le troisième exportateur d'engrais sur le sol américain, un domaine en hausse.
Par ailleurs, une nouvelle hausse des sanctions américaines visant les Russes n'est pas à exclure à l'avenir. Donald Trump a menacé fin mars Moscou de "droits de douane secondaires sur tout le pétrole en provenance de Russie" en l'absence d'accord sur une paix en Ukraine, alors que le pétrole finance largement l'effort de guerre russe.
L'attachée de presse de la Maison Blanche Karoline Leavitt a également assuré que la Russie peut toujours à l'avenir être visée par "de fortes sanctions supplémentaires", au média Axios.
L'administration Trump a assuré dimanche plus de 50 pays avaient pris contact avec la Maison Blanche pour négocier les nouveaux droits de douane qui ont créé un vent de panique sur les Bourses mondiales ce lundi.