Droits de douane américains: ces entreprises qui suspendent leurs exportations aux Etats-Unis

Une hausse des prix, une baisse des marges ou alors une réduction des volumes exportés. Tel est le dilemme auquel sont confrontées un grand nombre d'entreprises en réaction aux récents droits de douane instaurés par Donald Trump. Et certaines d'entre elles ont d'ores et déjà choisi la troisième option, notamment dans le secteur automobile. Depuis le 3 avril, Washington impose une taxe de 25% à l'importation de véhicules fabriqués hors des Etats-Unis.
Signe des inquiétudes du secteur, qui pèse 19 milliards de livres (22,2 milliards d'euros) et emploie 152.000 personnes au Royaume-Uni, le groupe Jaguar Land Rover a annoncé samedi dernier suspendre ses livraisons vers les États-Unis en avril, le temps d'examiner l'impact de ces droits de douanes. Les États-Unis sont le deuxième marché pour les constructeurs automobiles britanniques, représentant près de 17% des exportations en 2024, loin derrière l'Union européenne (54%).
Audi suspend également ses exportations vers les Etats-Unis
La situation est tout autant critique pour les constructeurs automobiles allemands alors que les Etats-Unis ont représenté l'an dernier le premier débouché des véhicules exportés d'Allemagne (13,1%). Le premier constructeur européen, Volkswagen, a également indiqué jeudi évaluer l'impact des nouveaux droits de douane américains en vue d'adapter sa politique de vente aux Etats Unis. D'après le Wall Street Journal, il prévoit d'ajouter des frais d'importations au prix des véhicules importés aux Etats-Unis depuis le Mexique ou l'Europe et frappés par les nouvelles taxes. Mais le groupe allemand a aussi informé dans une note ses concessionnaires américains que des mesures sont prises pour interrompre les expéditions de voitures en provenance du Mexique par voie ferrée, selon Autonews.
Les ventes aux Etats-Unis de sa marque historique VW sont constituées à 65% de véhicules importés, malgré la présence d'une usine VW dans le Tennessee. Les constructeurs allemands possèdent des usines aux Etats-Unis, mais la plupart de leurs modèles haut de gamme sont exportés d'Allemagne ou d'Europe de l'est. Côté haut de gamme, ses marques Porsche et Audi fabriquent tous leurs modèles hors des Etats-Unis. De quoi inciter cette dernière à suspendre ses exportations vers les Etats-Unis d'après un mémo interne transmis aux concessionnaires Audi qu'a pu consulter le magazine spécialisé Automobilwoche.
Les taxes américaines sur l'automobile font aussi sentir leurs premiers effets au Mexique, qui compte 37 usines automobiles, dont celles d'Audi, de BMW, Ford, Hyundai, Honda, Mazda, Nissan, Stellantis, Toyota ou encore Volkswagen. Le pays est le cinquième exportateur mondial de véhicules légers, le quatrième exportateur de pièces détachées, et à ce titre, le premier fournisseur des Etats-Unis. Depuis lundi, le groupe Stellantis a ainsi mis en pause pour tout le mois d'avril son usine de Toluca près de Mexico (2.700 salariés pour fabrique des Jeeps) après avoir annoncé jeudi la fermeture temporaire d'une usine au Canada.
Les fabricants de montres suisses appuient sur pause
Autre secteur d'activité particulièrement exposé aux nouveaux droits de douane américains: l'horlogerie suisse. Au vu de son excédent commercial avec les Etats-Unis, la Suisse s'est vu imposer des droits de douane de 31% (contre 20% pour l'Union européenne), difficiles à absorber même pour des fabricants de montres de luxe. Les Etats-Unis sont le plus gros marché des horlogers suisses qui a absorbé 16,8% de leurs exportations en 2024. Les exportations de montres suisses s'y chiffraient à 4,37 milliards de francs suisses (4,65 milliards d'euros), en hausse de 5% sur un an.
L'horlogerie, un secteur emblématique de la Suisse qui emploie 65.000 personnes dans le pays, est potentiellement un des plus affectés. L'horlogerie - pour qui le label "Swiss Made" (fabriqué en Suisse) est le principal argument de vente - produit par contre ses montres sur son propre sol. Et pour compenser ces droits de douane "clairement plus élevés qu'attendu", les prix vont devoir augmenter d'environ "11% à 13%", selon les analystes de la Banque cantonale de Zurich, qui doutent qu'ils puissent être répercutés intégralement, au détriment des marges. Mais certains fabricants comme Rolex, Breitling, Audemars Piguet ont décidé de mettre en pause de leurs exportations.
Nintendo reporte l'ouverture des commandes de Switch 2
Principale cible des droits de douane américains avec des taxes cumulées dépassant les 100%, la Chine voit son secteur du jouet se braquer à l'image des Tonka Trucks ou des Bisounours dont les livraisons vers les Etats-Unis sont désormais suspendues. Mais les répercussions vont bien plus loin puisque le propriétaire de Barbie, Mattel, a par exemple indiqué récemment qu'il pourrait être amené à augmenter ses prix, certains des composants de ses jouets venant de Chine. De même, le fabricant américain Hasbro a laissé entendre qu'il pourrait prendre des mesures en matière de sources d'approvisionnement.
Toujours dans le secteur des jeux et loisirs, le géant japonais des jeux vidéo Nintendo a annoncé vendredi le report, aux Etats-Unis, de l'ouverture des commandes de sa nouvelle console Switch 2. Le temps pour l'entreprise "d'évaluer l'impact potentiel des droits de douane" imposés par le président américain Donald Trump qui prévoit notamment de mettre en place une taxe de 46% sur les produits importés aux Etats-Unis depuis le Vietnam, où sont fabriquées une majorité des Switch 2, par le groupe chinois Foxconn. Nintendo a choisi, dès 2019, de déplacer une partie de la production confiée à Foxconn pour contourner la première vague de droits de douane imposés à l'époque par Donald Trump à la Chine.
L'autre pays de production de la Switch, le Cambodge, s'est lui vu frappé de droits de douane de 49% de la valeur des biens importés. Ces droits de douane sont d'autant plus problématiques pour Nintendo que le prix de vente annoncé de la Switch 2, soit 469,99 euros en Europe et 449,99 dollars, était déjà considéré, en l'état, comme élevé.