Après le suspens autour de deux postes de gouverneurs, la Fed en passe de baisser ses taux

Donald Trump et Jerome Powell lors de la nomination officielle de ce dernier à la tête de la Fed le 2 novembre 2017. - Drew Angerer
La Réserve fédérale américaine (Fed) devrait baisser ses taux d'intérêt, mercredi 17 septembre, à l'issue d'une réunion déjà atypique au cours de laquelle vont voter un conseiller de Donald Trump fraîchement intronisé et une gouverneure qui a failli en être exclue.
Les investisseurs anticipent depuis plusieurs semaines une baisse des taux directeurs de la banque centrale des Etats-Unis, la première de 2025, qui a paru s'imposer après des rapports montrant une dégradation du marché du travail.
Mais ces enjeux économiques ont en partie été éclipsés par une cascade d'événements qui ont secoué l'institution monétaire, censée oeuvrer à l'abri des interférences politiques.
Nomination et attaques politiques
D'abord, la démission surprise d'une gouverneure, Adriana Kugler, a permis au président Donald Trump de placer à la Fed Stephen Miran, un de ses fidèles. Ce dernier a prévenu qu'il ne démissionnerait pas de son poste à la tête du Comité des conseillers économiques (CEA) de la Maison Blanche, mais prendrait seulement un congé sans solde, son mandat à la Fed ne devant durer que quelques mois.
Le maintien de ce lien avec la présidence a révolté l'opposition démocrate, pour qui il ne fera qu'appliquer les injonctions de Donald Trump à baisser les taux. Mais le Sénat à majorité républicaine s'est dépêché de confirmer la nomination de Stephen Miran lundi soir, ce qui lui a permis de prêter serment mardi matin, juste à temps pour participer au premier des deux jours de réunion de la Fed.
La gouverneure Lisa Cook, nommée sous le démocrate Joe Biden, a su aussi à la dernière minute qu'elle pourrait bien honorer ce rendez-vous incontournable de la politique monétaire américaine. Accusée par le camp présidentiel d'avoir menti à des banques pour obtenir des prêts immobiliers personnels, Lisa Cook affronte Donald Trump devant la justice pour rester en place.
Une cour d'appel a rejeté lundi soir une requête visant à l'empêcher de siéger. La Maison Blanche a juré de porter l'affaire jusqu'à la Cour suprême, dont Donald Trump a cimenté la majorité conservatrice lors de son premier mandat.
Une équation économique compliquée
En parallèle de ces enjeux de pouvoir, l'équation économique s'est compliquée. L'an dernier à la même époque, la Fed avait baissé ses taux d'un demi-point d'un coup, puis d'un quart de point en novembre et un quart de point en décembre. Elle avait ensuite tout mis sur pause, arguant que l'incertitude entourant les conséquences des politiques de Donald Trump était trop forte pour déterminer la direction de l'économie et la réponse monétaire appropriée.
Les derniers rapports officiels sur l'emploi semblent avoir convaincu la majorité des banquiers centraux qu'il était temps de redonner un peu d'air à l'économie. Les investisseurs s'attendent majoritairement à ce que la Réserve fédérale avance à petits pas, en commençant par baisser ses taux d'un quart de point de pourcentage (ils sont dans une fourchette entre 4,25% et 4,50%).
"La Fed ne s'engagera à rien mais c'est le début d'un cycle de détente", estime auprès de l'AFP Diane Swonk, économiste chez KPMG, qui pense que "les changements dans la gouvernance" vont concourir à rendre l'institution plus accommodante.
Un vote à l'issue incertaine
Mais ce sont au total douze personnes qui votent sur les taux d'intérêt, dont les visions risquent d'entrer en collision.
Economiste chez EY, Gregory Daco se demande si Stephen Miran plaidera comme Donald Trump pour des baisses massives dès cette réunion, ce qui accentuerait "la perception d'une politisation de la Fed". Il pourrait préférer une baisse d'un demi-point, "ce que le gouverneur Christopher Waller et la gouverneure Michelle Bowman pourraient aussi préconiser", pointe-t-il auprès de l'AFP.
Les analystes de la Deutsche Bank pensent également que ces trois gouverneurs pourraient voter contre la décision majoritaire, ce qui serait une première depuis 1988. Ils n'excluent pas qu'un ou deux présidents de Fed régionales votent à l'inverse pour laisser les taux inchangés, de crainte d'alimenter l'inflation.