200.000 postes de fonctionnaires supprimés mais ce n'est pas fini: même sans Musk, la commission Doge continue à faire trembler l'administration américaine

Russell Vought, directeur du budget de la Maison Blanche, contrôle aussi le Doge selon plusieurs employés du gouvernement. - Photo par KAYLA BARTKOWSKI / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP
Trois mois après une rupture fracassante entre Donald Trump et Elon Musk, la commission Doge, désormais privée de l'entrepreneur, continue à faire trembler, de l'intérieur, l'administration américaine. Mais loin des projecteurs.
Entité ad hoc créée par le président des États-Unis et confiée au patron de Tesla, la Commission à l'efficacité gouvernementale (Doge) devait tailler dans les dépenses publiques et alléger la bureaucratie.
Depuis sa naissance en janvier, près de 200.000 fonctionnaires ont quitté l'administration, selon l'organisation Partnership for Public Service, sur un effectif total de plus de deux millions.
Beaucoup ont été licenciés, souvent avec pour seule justification des économies de coûts, des inspecteurs des impôts aux agents des parcs nationaux, en passant par des météorologues de l'agence nationale NWS.
Après le départ d'Elon Musk, en mai, la plupart des hauts responsables de Doge ont aussi quitté le navire. Mais certains employés de la structure sont eux entrés au sein même du gouvernement américain, alors que Doge n'a pas, lui, le statut d'organisme public.
"Ce n'est pas parce qu'on n'entend plus le raffut d'Elon Musk qu'ils ont disparu", prévient un fonctionnaire du ministère de la Défense, sous le couvert de l'anonymat.
La commission est désormais dirigée par Amy Gleeson, une ancienne infirmière devenue spécialiste de l'informatique appliquée au système de santé.
Mais selon plusieurs employés du gouvernement interrogés par l'AFP, Doge est sous le contrôle de Russell Vought, directeur du budget de la Maison Blanche (OMB), organe très influent qui articule les orientations budgétaires du président des Etats-Unis.
Ce juriste de formation, qui se présente notamment en pourfendeur de la bureaucratie, est l'un des architectes du "Projet 2025", une feuille de route ultraconservatrice sur laquelle s'est beaucoup appuyé Donald Trump depuis son investiture en janvier.
Des coupes à l'aveugle
Plusieurs alliés d'Elon Musk occupent aujourd'hui des fonctions étendues au sein du gouvernement, notamment Scott Kupor. Ancien associé au sein de la référence du capital-risque Andreessen Horowitz, il dirige désormais l'Office of Personnel Management, l'antenne de gestion des ressources humaines de l'ensemble du gouvernement américain.
Brad Smith, investisseur dans le domaine médical, a rejoint le département d'État, où il supervise les programmes de coopération internationale sur la prévention des maladies infectieuses. Il avait précédemment oeuvré, sous l'étiquette Doge, à une brutale cure d'amincissement du ministère de la Santé.
Quant à Aram Moghaddassi, il est aux manettes des services informatiques de la Sécurité sociale américaine. Le responsable de la gestion des données de ce service a effectué, en août, un signalement affirmant qu'Aram Moghaddassi et son équipe avaient téléchargé une gigantesque base de données confidentielles de la Sécurité sociale sur un serveur insuffisamment protégé.
Cette dissémination au sein du secteur public américain complique l'évaluation de l'influence qu'exerce encore le mouvement impulsé par Elon Musk. "La question de savoir comment on définit Doge, ce que c'est exactement, est devenue beaucoup plus complexe", estime Faith Williams, de l'observatoire Project on Government Oversight.
Ces développements sont "extrêmement inquiétants", renchérit Cindy Cohn, directrice exécutive de l'organisation de protection des droits des internautes Electronic Frontier Foundation, dans la mesure où Doge fonctionne désormais "derrière un rideau", loin des regards.
De nombreuses organisations ont dénoncé, dès sa création, le manque de transparence et de discernement de Doge, accusé de tailler aveuglément dans les effectifs sans analyse préalable des organisations.
En février, le gouvernement Trump avait dû rappeler des employés de l'agence fédérale du nucléaire, la NNSA, en charge de la gestion de l'arsenal nucléaire des Etats-Unis, après leur licenciement expéditif par Doge.
Des lanceurs d'alerte ont aussi reproché à la commission d'avoir parfois agi aux limites de la légalité et d'avoir également exposé les données personnelles de millions d'Américains.
"Mon sentiment, c'est que pour chaque signalement d'un lanceur d'alerte, il y a beaucoup d'autres problèmes dont on ne sait rien", clame Max Stier, PDG de Partnership for Public Service.