Un paradoxe au pays qui a "inventé" la statistique: les coupes de Trump handicapent de plus en plus la collecte de données très importantes pour l'économie

Des données disparaissent aux États-Unis, dans des domaines aussi divers que l'économie, la santé, l'éducation ou les catastrophes naturelles, observe l'agence Bloomberg. Celle-ci note que le travail des médecins est perturbé ces derniers mois alors que certaines données de santé ont été supprimées des sites web publics, ou que les bulletins scolaires sont désormais fournis dans une version minimale.
En cause: des coupes budgétaires, menées de longue date mais qui se sont renforcées depuis l'apparition du fameux DOGE (Département de l'efficacité gouvernementale), créé par Donald Trump et dirigé un temps par Elon Musk. Depuis sa mise en place, ce service a annulé 12.000 contrats et provoqué le départ de centaines de milliers de fonctionnaires, permettant d'économiser 37,65 milliards d'euros (44 milliards de dollars).
Une "cécité" des politiques publiques
Au passage, la collecte de certaines données a été sérieusement secouée. C'est notamment le cas en matière économique. Le bureau des statistiques du travail (BLS) a récemment arrêté de relever et de produire certains chiffres, faute de moyens suffisants. Son financement sera amputé de 8% l'an prochain, après avoir diminué de près de 20% en terme réels depuis 2010 selon Bloomberg. Au final, certains observateurs redoutent que les prévisions économiques finissent par devenir moins précises.
"Les menaces qui pèsent sur les données économiques se sont accélérées, explique ainsi Jed Kolko, l'ancien sous-secrétaire aux affaires économiques du ministère du Commerce sous l'administration Biden. Le risque est que ces statistiques économiques sur lesquelles nous nous appuyons se dégradent avec le temps."
Par exemple au BLS, où l'on récolte les données essentielles sur l'inflation et l'emploi, les remontées sur les prix à la consommation ou à la production sont plus compliquées depuis quelques mois. Une "cécité" partielle qui risque de nuire à l'efficacité des politiques publiques qui s'appuient sur ces informations essentielles. Le pays est ainsi celui qui avait le mieux renseigné les conséquences économiques de la crise de 1929 avec des chiffres précis et fréquents sur le chômage ou la pauvreté.
Suivi des maladies infectieuses
"Ces chiffres affectent presque tous les foyers du pays: ils impactent la sécurité sociale, les salaires, les taux d'intérêt et la manière dont les entreprises et les familles prennent leurs décisions financières", s'est ému un groupe de sénateurs démocrates en juin dernier dans une lettre envoyée au BLS.
Un paradoxe dans un des grands pays pionnier de la statistique. Le Bureau of Labor Statistics est un des plus anciens organismes de la planète pour la collecte de données sur l'emploi et l'économie en général. Si le tout premier du genre a dans les faits vu le jour en Suède en 1749 (le Tabellverk appelé aussi le "Bureau des Tables"), le BLS américain a eu dès le début une somme considérable d'informations à remonter, qui plus est dans un Etat fédéral.
Il a été créé au sein du gouvernement en 1884 pour recueillir des informations sur l'emploi et le travail sous la houlette du statisticien Carroll D. Wright devenu le premier commissaire du Travail des États-Unis.
Autre victime: les données de santé. 200 ensembles de données ont été supprimés, d'autres ne sont plus mis à jour. C'est notamment le cas d'un fichier compilant des données de surveillance sur certaines maladies infectieuses, comme le VIH ou la tuberculose, sacrifié alors que Donald Trump a exigé le tarissement des programmes visant la diversité, l'équité et l'inclusion (DEI).
Dans la même veine, une base de données sur les catastrophes climatiques, largement utilisée par les compagnies d'assurance a été supprimée comme d'autres capteurs météréologiques. Pour autant, certains observateurs cités par Bloomberg voient dans cette dynamique une opportunité de réformer en profondeur un système statistique jugé "obsolète".