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TER Marseille-Toulon-Nice: Transdev en pleine course contre la montre pour être prêt en juin

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C'est la première fois qu'une ligne ferroviaire régionale est attribuée à un concurrent de la SNCF. La disponibilité des rames et des conducteurs pose néanmoins question.

C'est l'une des lignes de TER qui connaît le plus de difficultés en France: l'axe Marseille-Toulon-Nice va dans les prochains mois être exploité pour la première fois par un concurrent de la SNCF.

Transdev a en effet remporté l'appel d'offre lors de l'ouverture à la concurrence mise réalisée par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Ses premiers trains doivent circuler à partir du 29 juin prochain.

L'arrivée de la filiale à 66% de la Caisse des dépôts et du groupe allemand Rethmann se précise. Transdev a ainsi officialisé récemment de sa filiale dédiée baptisée "Transdev Rail Sud Inter-Métropoles", filiale qui a obtenu son Certificat de sécurité unique, sésame obligatoire pour pouvoir circuler. Il est délivré pour cinq ans par l'autorité de sécurité ferroviaire.

Taux de ponctualité le plus faible des régions

Trains bondés, encore plus pendant les vacances d'été, en retard, annulés... Les voyageurs (et la région PACA) dénoncent depuis plusieurs années la qualité de service médiocre proposée par la SNCF sur cet axe très fréquenté qui représente 10% de l'offre ferroviaire régionale.

Le taux de ponctualité est ainsi le plus faible de tous les réseaux de TER avec une moyenne de 84,7% selon le régulateur des transports (contre 92% en Bretagne par exemple).

Les nouveaux trains TER qui circuleront entre Marseille et Nice en 2025
Les nouveaux trains TER qui circuleront entre Marseille et Nice en 2025 © Alstom/Samuel Dote
L'intérieur des nouveaux TER de la ligne Marseille-Nice
L'intérieur des nouveaux TER de la ligne Marseille-Nice © Transdev

Transdev est donc attendu au tournant. L'opérateur promet 16 rames neuves Omneo Premium (fournies par Alstom pour 250 millions d'euros) à deux niveaux qui doivent être opérationnelles dès le début du contrat.

Transdev promet surtout de doubler le nombre d'allers-retours quotidiens sur la ligne.

"Transdev doublera l’offre de transport, avec 15 liaisons aller-retour par jour et des cadencements à l’heure sur une plus large amplitude horaire. L’enjeu est d’apporter plus de qualité de service, de fiabilité, de régularité et de ponctualité (97,5% des trains ponctuels)", assure l'entreprise.

Reste quelques questions en suspens. Il y a d'abord la question des délais de livraison des nouvelles rames, on sait que la plupart des industriels connaissent des problèmes de production, notamment Alstom, Talgo, CAF. Un retard pourrait donc contrecarrer le lancement en juin prochain.

Dans un article de mai dernier, La Lettre évoquait un risque de retard. Interrogé sur ce point, Alstom n'a pas répondu à nos demandes de précisions. Les premières rames doivent être livrées en cette fin d'année.

Il y a aussi la question des conducteurs. La loi impose aux cheminots de la SNCF concernés par un changement d'opérateur d'être transférés chez le nouvel exploitant mais seulement s'ils travaillaient plus de la moitié du temps sur la ligne transférée.

Or, une minorité d'entre eux étaient dans ce cas, le transfert se fait donc sur la base du volontariat.

Mais une grande majorité a refusé d'être transférée chez Transdev qui propose le maintien du salaire net, mais des avantages sociaux moins avantageux que ceux de la SNCF (notamment pour les conducteurs au statut).

Seulement 27 conducteurs de la SNCF sur 163 ont accepté de rejoindre Transdev

La loi prévoit en effet un socle de garanties sociales maintenues au bénéfice des salariés transférés ("sac à dos social"), notamment un niveau de rémunération minimum, le maintien du régime spécial de sécurité sociale et celui de divers avantages, dont les facilités de circulation.

Tous les dispositifs ne sont cependant pas encore en place, notamment les accords sur la protection sociale et la formation. Et il reste à définir précisément le mode de calcul des pensions de retraite.

Résultat, selon un rapport de la Cour des comptes publié il y a quelques jours, "seuls 27 agents sur 163 se sont portés volontaires pour rejoindre Transdev".

"Les conditions du transfert des personnels paraissent, à ce stade, insuffisamment précises pour garantir à un opérateur entrant que les besoins de l’exploitation seront satisfaits", estime la Cour des comptes.

Contacté par BFM Business, Transdev assure que "les recrutements sont en cours". Une annonce publiée sur LinkedIn il y a trois mois a d'ailleurs été fermée. L'entreprise souligne également que le nombre de conducteurs SNCF transférés "n'est pas un sujet d'inquiétude".

Un lancement en pleines vacances d'été

Transdev a évalué qu’elle avait besoin de 181 salariés pour assurer le service (conducteurs mais aussi techniciens de maintenance, agents commerciaux). Reste que le conducteur de train commence à devenir une denrée rare avec la multiplication des opérateurs en France et en Europe et la hausse du trafic.

L'opérateur possède néanmoins son propre organisme de formation ferroviaire, habilité à former des conducteurs de train et le personnel en charge de tâches de sécurité.

De quoi rassurer pour un lancement en juin prochain? Il ne faudra pas se rater car les circulations débuteront juste avant les vacances d'été, période extrêmement chargée sur cette ligne qui est fréquentée à la fois par des touristes, des résidents et des travailleurs.

D'autant plus que compte tenu du profil de la ligne, encadrée par la mer et la montagne, qui ne comporte que deux voies sur 90% du parcours, et qui est ancienne, le moindre problème matériel ou humain provoquera encore et toujours d'importantes perturbations.

Rappelons enfin que Transdev a également remporté la concession de la ligne ferroviaire entre Nancy et Contrexéville (Vosges). Ce lot correspond en fait à la réouverture de la ligne qui est attendue en décembre 2027, avec la promesse de 14 allers-retours quotidiens. D'ici là, des études et des travaux devront être menés pour remettre en service cette voie fermée depuis 2016.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business