Manifestation contre la LGV Paris-Toulouse: pourquoi cette future ligne de train est-elle dénoncée?

C'est aux confins de la forêt landaise, qu'a lieu ce samedi une manifestation non déclarée contre la liaison TGV à venir entre Bordeaux, Toulouse et Dax. Les autorités avaient évoqué cette semaine la possible participation de 3.000 opposants, redoutant la venue de "plusieurs centaines d'individus très violents".
• C'est quoi cette future ligne de TGV?
C’est l’un des plus grands chantiers d’infrastructure de transport en France, avec un investissement total de 14 milliards d'euros financé par l'Etat (40%), les collectivités territoriales (40%) et l'Union européenne (20%) pour au global 418 kilomètres de lignes nouvelles.
C'est aussi l'ultime grand projet de LGV en France, l'Etat et la SNCF souhaitant désormais se concentrer sur la régénération du réseau secondaire.

A terme, grâce à ce nouveau tronçon, Paris et Toulouse seront reliées en 3h10, soit une heure de moins qu'actuellement. La ligne traversera cinq départements et permettra d'éviter l'émission de 340.000 tonnes de CO2 par an, affirment les parties prenantes. Et Toulouse sera à 1h05 de Bordeaux.
Le Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO) prévoit également une phase 2 avec la construction d’un tronçon entre Bordeaux et Dax, dans les Landes, destiné à être prolongé vers l’Espagne en direction de Saint-Sébastien et Madrid.
• Où en sont les travaux?
Ils ont à peine commencé alors que le projet est dans les tuyaux depuis 30 ans. Après le début des travaux d'aménagements ferroviaires au nord de Toulouse en mai dernier, ceux au sud de Bordeaux vont pouvoir débuter après l'avis favorable de l'enquête publique.
Cette dernière a néanmoins émis cet avis "sous condition de levée des réserves émises par le ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires concernant les espèces protégées", notamment la loutre d’Europe et le vison d’Europe.
• Une enquête publique contestée
Mais cette enquête est justement contestée par les opposants au projet. Elle a généré 2.800 contributions à 92% défavorables. La commission d'enquête a donc émis plusieurs recommandations, parmi lesquelles la poursuite de la concertation et la prise en compte des nuisances sonores et visuelles pour les riverains.
"Quand on lit les conclusions de la commission d'enquête, tous les éléments de discours sont alignés sur celui du préfet et de la maîtrise d'ouvrage", se désolent auprès de France 3, les membres de la coordination LGV Non Merci qui rassemble plusieurs associations opposées au projet et qui dénonce "une aberration économique".
"Ce projet de LGV Bordeaux-Toulouse est massivement rejeté par les populations et les élus des communes périurbaines et rurales", poursuivent-ils.
• Une opposition ancienne
Après de premières mobilisations ces dernières années, des collectifs ont fait appel aux Soulèvements de la Terre pour "sortir des radars au niveau national" en s'appuyant sur les "luttes antérieures" du mouvement connu notamment pour son opposition aux "bassines", des réserves d'irrigation contestées dans le Poitou.
"Aujourd'hui, l'enjeu c'est de généraliser la mobilisation pour ne pas laisser passer cette LGV démentielle et ruineuse, destructrice pour les territoires et les ressources naturelles", a déclaré samedi matin à la presse Jean Olivier, membre de la coordination "LGV non merci".
"On a vraiment besoin de se faire connaître, on veut faire de cette journée un levier pour amplifier la communication sur tous les problèmes liés à ce projet", a dit à l'AFP Marie-Christine Hergle du collectif "LGV NiNa" (Ni ici Ni ailleurs).
D'autres sont partisans d'une lutte par "des canaux légaux", à l'instar des initiatives de parlementaires girondins (de LFI à LR en passant par EELV et le MoDem) qui réclament au gouvernement un moratoire et/ou un référendum local sur la LGV.
Les opposants dénoncent un projet "mortifère" qui conduirait selon eux à l'artificialisation d'environ 5.000 hectares, en traversant notamment la vallée du Ciron, affluent de la Garonne, et sa hêtraie ancestrale.
Ils prônent une rénovation des lignes existantes pour développer les "trains du quotidien" et critiquent l'imposition d'une taxe spéciale à plus de 2.300 communes, proches du tracé, pour ce chantier "pharaonique" cofinancé par l'État, les collectivités locales et l'Union européenne.
"Ceci est symptomatique d’une situation désastreuse où des communes s’endettent pour financer un projet qui ne leur est d’aucun intérêt, tandis que les moyens manquent de toute part pour financer le service et le réseau existants", explique le collectif.
• Un projet soutenu par de nombreux élus
Le président (PS) de la Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, défend un "investissement pour un siècle au moins" qui permettrait de "sortir" de la route les 10.000 camions qui remontent chaque jour d'Espagne, en libérant les lignes existantes pour le fret.
"Dans quelques années maintenant, Toulouse et l’Occitanie seront enfin connectées à la grande vitesse. Vers Paris d’une part, mais aussi vers le Sud de l’Europe. Cette infrastructure nous permettra par ailleurs d’augmenter la fréquence des trains du quotidien sur l’axe Toulouse-Montauban, à la manière d’un RER", se félicite Carole Delga, présidente de la région Occitanie, région qui investira le plus dans le projet.
Les élus soulignent la réparation d'une sorte d'injustice, "nous sommes la seule capitale régionale à ne pas avoir de desserte" à grande vitesse, souligne Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse et président de Toulouse Métropole.
Enfin, selon un sondage Odoxa, près de 8 Français sur 10 et plus de 9 Espagnols sur 10 l'approuvent. Par ailleurs, 10.000 emplois directs et indirects pourraient être créés.