BFM Business
Transports

L'aérien français décroche en Europe: le ministre des Transports souhaite "une pause" dans la taxation du secteur

placeholder video
Philippe Tabarot appelle à être "vigilant" vis-à-vis de l'instauration de nouvelles taxes "qui vont être contre-productives et qui vont ralentir l'activité économique de notre pays".

Le ministre chargé des Transports a dit vendredi souhaiter "une pause" dans la taxation du secteur aérien, au moment où le gouvernement prépare ses arbitrages pour le budget 2026. "Je ne suis pas favorable à ce qu'on taxe de nouveau l'avion parce que l'avion a été taxé ces deux dernières années de manière assez significative", a déclaré Philippe Tabarot sur franceinfo.

"Je fais partie d'un gouvernement qui cherche 40 milliards" d'euros pour le budget de l'année prochaine, a-t-il remarqué. Cependant, il a appelé à être "vigilant" vis-à-vis de l'instauration de nouvelles taxes "qui vont être contre-productives et qui vont ralentir l'activité économique de notre pays". Le ministre a pointé "un risque de décrochage" par rapport aux autres pays touristiques voisins.

"Aujourd'hui, on est dans des chiffres qui sont assez stables d'une année à une autre" pour le trafic de passagers aériens en France, alors que d'autres pays comme l'Espagne, le Portugal ou l'Italie "ont des augmentations de 6 à 7% de leur trafic aérien".

"Risque de décrochage"

Pour l'année budgétaire 2025, le gouvernement a alourdi la taxe de solidarité sur les billets d'avion, en escomptant quelque 800 millions d'euros de recettes supplémentaires. En mars, Philippe Tabarot s'était dit à titre personnel "réservé" à l'idée d'inscrire cette hausse dans la durée, jugeant que l'"on ne doit pas taxer certains secteurs qui rayonnent au niveau mondial", allusion à la construction aéronautique dont Airbus est l'un des deux leaders.

"On voit que la taxe sur les billets d'avion de l'an dernier a probablement ralenti un petit peu l'attractivité de notre pays", a-t-il estimé, rejoignant en cela les organisations professionnelles du secteur, compagnies comme aéroports.

Lors du congrès annuel de la Fnam (Fédération nationale de l'aérien et de ses métiers), Pascal Izaguirre, son président (et patron de Corsair) s'alarmait : "le pavillon français fait moins bien que l'Europe avec une croissance annuelle en 2024 des mouvements (vols) de seulement 2%, ce qui nous place 33e sur 40". Pire, "en 2025, le décrochage s'amplifie avec une croissance négative de l'offre estivale", dénonce-t-il.

"Ce choc de fiscalité est considérable", résume le responsable, "et il vient s'ajouter à d'autres hausses de taxes et de redevances diverses. On estime le surcoût pour le secteur à 1,35 milliard d'euros cette année sur un total de 4 milliards".

"Bazar"

Même constat pour Valérie Boned, présidente des Entreprises du Voyage qui s'exprimait lors du même congrès.

"Il y a un vrai impact sur la demande, c'est certain. La taxe touche les familles en outre-mer alors qu'initialement ça ne devait pas être le cas. C'est de l'enfumage. Et son application a été un bazar complet avec des allers-retours législatifs, des compagnies qui ont dû la collecter, puis la rembourser, puis la collecter à nouveau".

"20 pays sur 27 en Europe ne taxent pas l'aérien, certains comme la Suède reviennent sur la taxation. On demande donc un moratoire sur le niveau global de fiscalité, toute taxe nouvelle serait une aberration". Evidemment, cette opinion est contestée par les associations écologistes. Pour Réseau Action Climat, c'est justement la faible taxation de l'aérien avec notamment aucune taxe sur le kérosène, qui permet aux compagnies aériennes low cost de proposer des prix planchers et de happer le trafic des liaisons européennes.

Olivier Chicheportiche avec AFP