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L'aérien décolle partout sauf en France: le secteur accuse la taxe sur les billets d'avions qui plombe la croissance

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Lors de son congrès annuel, la Fnam (Fédération nationale de l'aérien et de ses métiers) a alerté sur le décrochage continu du pavillon français, amplifié par la hausse de cette taxe payée directement par le voyageur français.

L'ambiance n'est pas à la fête dans le secteur aérien français. Compagnies aériennes, gestionnaires d'aéroports, agences de voyage, tous ont l'impression de voir le train de la croissance passer... Car si le trafic mondial aérien va de record en record (malgré les critiques envers l'aérien), la France en profite très peu.

Lors du congrès annuel de la Fnam (Fédération nationale de l'aérien et de ses métiers) ce mercredi, Pascal Izaguirre, son président (et patron de Corsair) s'alarme: "le pavillon français fait moins bien que l'Europe avec une croissance annuelle en 2024 des mouvements (vols) de seulement 2%, ce qui nous place 33e sur 40".

Pire, "en 2025, le décrochage s'amplifie avec une croissance négative de l'offre estivale", dénonce-t-il.

Dans le trafic domestique, il y a bien sûr la concurrence du train qui pour des liaisons directes est moins cher sans pour autant être bien plus long avec le TGV et notamment Ouigo, l'offre low cost de la SNCF. Sur ce terrain, il semble que l'avion ait perdu la bataille sauf pour les liaisons transversales avec correspondance.

Selon les chiffres du régulateur français des transports, ce trafic a baissé de 2% en 2023 sur un an, et de 14,3% par rapport à 2017.

Mais pour les liaisons européennes et internationales, l'arrivée de nouvelles taxes plomberait la demande, et notamment la hausse de la taxe sur les billets (TSBA) votée dans le Budget 2025 pour remplir les caisses de l'Etat et appliqué cette année. Elle s'applique sur tous les billets, varie selon la destination, et frappe directement le consommateur.

"Enfumage"

"Ce choc de fiscalité est considérable", résume le responsable, "et il vient s'ajouter à d'autres hausses de taxes et de redevances diverses. On estime le surcoût pour le secteur à 1,35 milliard d'euros cette année sur un total de 4 milliards".

Même constat pour Valérie Boned, présidente des Entreprises du Voyage qui s'exprimait lors du même congrès.

"Il y a un vrai impact sur la demande, c'est certain. La taxe touche les familles en outre-mer alors qu'initialement ça ne devait pas être le cas. C'est de l'enfumage. Et son application a été un bazar complet avec des allers-retours législatifs, des compagnies qui ont du la collecter, puis la rembourser, puis la collecter à nouveau".

"On s'inquiète pour 2025, cette taxe va-t-elle être maintenue, voire augmentée? On espère au moins que cette fiscalité soit fléchée vers la décarbonation du secteur", espère la responsable. Ce qui n'est pas le cas puisque les sommes collectées (800 à 850 millions d'euros) iront directement dans les caisses de l'Etat.

Moratoire

L'exemple allemand tétanise le secteur: "on arrive au même niveau de taxation en Allemagne où le trafic domestique est à 17% de ce qu'il représentait en 2019. C'est un sérieux avertissement pour la France", alerte Pascal Izaguirre.

Et de poursuivre: "20 pays sur 27 en Europe ne taxent pas l'aérien, certains comme la Suède reviennent sur la taxation. On demande donc un moratoire sur le niveau global de fiscalité, toute taxe nouvelle serait une aberration".

Evidemment, cette opinion est contestée par les associations écologistes. Pour Réseau Action Climat, c'est justement la faible taxation de l'aérien avec notamment aucune taxe sur le kérosène, qui permet aux compagnies aériennes low cost de proposer des prix planchers et de happer le trafic des liaisons européennes.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business