ITA Airways: le psychodrame continue avec la démission de son président

L'Etat italien a donné mardi son feu vert à une nouvelle injection de 400 millions d'euros de fonds publics dans la compagnie ITA Airways, née des cendres d'Alitala, au lendemain de la démission de son président, a appris l'AFP de source gouvernementale.
Les fonds devraient arriver avant la fin du mois dans les caisses d'ITA, selon cette décision prise au cours d'une assemblée générale extraordinaire des conseillers du ministère de l'Economie, actionnaire à 100% de la compagnie.
Bruxelles avait donné en septembre 2021 son feu vert au décollage d'ITA et a autorisé 1,35 milliard d'euros de fonds publics, à condition qu'elle finisse par voler à terme de ses propres ailes.
Désaveu
Désavoué à deux reprises par l'Etat qui l'a privé de ses pouvoirs opérationnels, le président d'ITA Airways, Alfredo Altavilla, a démissionné lundi soir de son poste, en pleines négociations sur la vente de la compagnie publique.
M. Altavilla s'était vu reprocher de faire obstruction à la cession d'ITA Airways au fonds d'investissement américain Certares, associé à Air France-KLM et Delta Air Lines.
Cet ancien responsable pour l'Europe de Fiat n'avait jamais caché sa préférence pour l'offre concurrente soumise par Lufthansa et l'armateur italo-suisse MSC.
L'ancien gouvernement de Mario Draghi avait annoncé en août avoir retenu l'offre de Certares pour le rachat d'ITA Airways en vue de l'ouverture de négociations exclusives.
Déjà plus d'un milliard d'euros injectés
Après une injection initiale de 700 millions d'euros de fonds publics en 2021, ITA Airways devait bénéficier d'une nouvelle tranche de 400 millions d'euros en 2022, approuvée mardi, et d'une autre en 2023.
En cas de succès des négociations, c'est le repreneur qui devrait assurer la recapitalisation de la jeune compagnie aérienne qui a pris son envol le 15 octobre 2021.
Au fil des années, l'Etat italien avait déboursé plus de 13 milliards d'euros pour tenter, en vain, de remettre à flot son prédécesseur, Alitalia.
L'actuel conseil d'administration d'ITA Airways restera en place jusqu'à l'assemblée générale ordinaire prévue mardi prochain, qui devrait notamment se pencher sur la succession de M. Altavilla.
Du côté de la reprise de la compagnie par un acteur privé, les doutes se multiplient. Début novembre, le nouveau ministre italien de l'Economie Giancarlo Giorgetti a annoncé sa décision de ne pas renouveler la période d'exclusivité pour les négociations avec le fonds d'investissement américain Certares, Air France-KLM et Delta.
Si cette date butoir était connue, c'est la suite du communiqué du ministère qui inquiète les parties prenantes. "Les discussions se poursuivaient" en vue d'un "possible accord sur une cession" peut-on lire. Rien n'est dit sur l'offre du consortium, ni sur la suite du processus laissant croire à l'absence de progrès dans ces tractations.
Air France-KLM dans l'expectative
De quoi plonger Air France-KLM dans l'expectative. La compagnie dit prendre "acte de la fin de la période d’exclusivité. Le groupe examine ses options en ce qui concerne le marché italien du transport aérien et attend de plus amples informations de la part de l’État italien".
Pourquoi ces doutes? Certains observateurs mettent en avant la victoire aux dernières élections législatives du parti d'extrême-droite Frères d’Italie dont la dirigeante Giorgia Meloni devenue présidente du Conseil a plusieurs fois exprimé son opposition à cette privatisation.
Juste avant le scrutin, elle avait d'ailleurs prévenu que "tout peut changer et la relance de notre compagnie aérienne nationale" sera de la responsabilité "de celui qui gouvernera". Elle avait également mis en garde Mario Draghi (son prédécesseur) contre une prise de décision "hâtive" sur la vente de la compagnie publique.
Le modèle proposé par Certares ne fait pas non plus l'unanimité. Le consortium est prêt à débourser 350 millions d'euros pour acquérir une part de 50% plus une action dans ITA et investir ultérieurement 600 millions d'euros, selon la presse italienne. Mais Air France n'investirait pas directement dans le capital de la compagnie aérienne italienne, se contentant pour le moment d'être partenaire commercial. Un poids insuffisant pour les opposants à cette proposition.
Le retour de Lufthansa et MSC?
Air France-KLM a en effet les mains liées par les conditions demandées par la Commission européenne en contrepartie de l'aide publique reçue pour surmonter la crise du Covid-19, l'empêchant de prendre une participation de plus de 10% dans une entreprise du secteur.
Le groupe franco-néerlandais avait déjà eu des visées sur Alitalia dans le passé. En 2009, il avait acquis une part de 25% dans la compagnie italienne avant de s'en dégager progressivement à partir de 2013.
De quoi remettre Lufthansa et son partenaire MSC en selle? Non seulement la compagnie allemande n'est pas liée par cette contrainte mais en plus, avec MSC, elle avait proposé fin août de débourser 850 millions d'euros pour 80% d'ITA.