Ferroviaire: l'Allemagne lance sa première ligne 100% hydrogène, à quand pour la France?

C'est une petite révolution qui prend forme en Allemagne. Le pays a inauguré ce mercredi la première ligne ferroviaire au monde fonctionnant entièrement à l'hydrogène.
La flotte de 14 trains régionaux, fournis par le groupe français Alstom à la région de Basse-Saxe (Nord), circule désormais sur la centaine de kilomètres de la ligne reliant les villes de Cuxhaven, Bremerhaven, Bremervörde et Buxtehude, non loin de Hambourg.
"Nous sommes très fiers de pouvoir porter cette technologie sur une exploitation commerciale, dans le cadre d'une première mondiale", s'est félicité mercredi le PDG d'Alstom, Henri Poupart-Lafarge.
Ces nouvelles rames permettent de décarboner les lignes non-électrifiées encore très nombreuses (20% en Allemagne, 50% en Europe, 40% en France), essentiellement régionales, où roulent des trains alimentés au diesel. Or l'électrification de ces lignes n'est pas envisageable au vu du rapport coûts/rentabilité.
Importante demande en Europe
La nouvelle flotte, qui a coûté "93 millions d'euros", évitera de générer "4400 tonnes de CO2 chaque année", selon la LNVG, l'exploitant régional du réseau.
Le nouvel engouement pour le train combiné aux questions environnementales dopent la demande européenne pour ces trains de nouvelle génération, notamment en Italie ou en Suède. "A horizon 2035, environ 15 à 20% du marché européen régional pourrait fonctionner à l'hydrogène", confirme à l'AFP Alexandre Charpentier, expert ferroviaire chez Roland Berger.
En France, pays d'Alstom, les choses prennent plus de temps que prévu. L'industriel a reçu en avril 2021 une première commande de 12 trains par les régions Bourgogne-Franche-Comté, Occitanie, Grand Est et Auvergne-Rhône-Alpes (3 trains commandés par chaque région plus 2 trains en option pour la région Grand Est).
Mais, selon les informations communiquées par l'entreprise, il faudra attendre fin 2023 pour voir la circulation d’un premier train en essais, le lancement de la fabrication de série et la mise en place des infrastructures hydrogène (stations de ravitaillement, notamment).
Pas avant 2025/2026 pour voir des lancements commerciaux en France
Puis 2025 pour l'obtention des autorisations de mise en service commercial d’une mini flotte de trains afin d’engranger les premiers retours d’expérience. Un lancement commercial à grande échelle n'est donc pas prévu avant 2025-2026 alors que la SNCF tablait au départ sur 2024...
Si techniquement les trains à hydrogène d'Alstom (les Coradia iLint) sont opérationnels, de nombreux obstacles sont encore à lever.
"Il y a une frénésie, c'est vrai, pour aller vite mais ça prendra du temps", confirmait il y a quelques mois à BFM Business Christelle Rouillé, directrice générale d'Hynamics, filiale hydrogène d'EDF.
Principale problématique: le ravitaillement des trains. Alstom et Hynamics ont ainsi signé en novembre 2021 un partenariat afin de "définir un standard international de ravitaillement qui permettra de limiter l'immobilisation des trains à hydrogène lors de leur remplissage".
"L'objectif numéro un est d'être capable de respecter demain les engagements des opérateurs pour remplir les réservoirs dans un temps très court, en toute sécurité", explique la responsable.
Obstacles à lever
Et il y a du travail. Pour le moment, les deux partenaires planchent sur des travaux communs de modélisation, calculs et simulations, soit "une phase théorique" explique Christelle Rouillé.
"La deuxième phase sera de définir des standards internationaux, des standards qui sont toujours en cours de rédaction car ce marché est encore émergent", poursuit-elle. Il faut dire que les différences technologiques entre les pays sont nombreuses. En Allemagne par exemple, où des trains à hydrogène ont circulé commercialement, les rames utilisées ne sont pas les mêmes qu'en France.
A ce moment-là, le défi ne sera pas totalement relevé. Pour Hynamics, le modèle économique de l'hydrogène pour les transports ne sera viable qu'à travers "une mutualisation des infrastructures pour différents types de transports terrestres". On peut ainsi imaginer des stations de recharge qui délivrent aussi bien de l'hydrogène pour les trains que pour les cars présents à proximité des gares.
Problème, la ressource est encore rare et beaucoup de secteurs se positionnent: automobile, chimie, sidérurgie... Or, les infrastructures de production (pas forcément décarbonée d'ailleurs) sont encore peu nombreuses en Europe malgré les ambitions affichées par différents Etats comme la France et l'Allemagne.
En attendant, Alstom se frotte les mains. Pionnier en la matière, il voit son carnet de commandes se remplir à grande vitesse: France, Allemagne, Italie, Suède. Rien qu'en Allemagne "entre 2500 et 3000 trains diesel pourraient être remplacés par de l'hydrogène", affirme à l'AFP Stefan Schrank, chef du projet chez Alstom. L'industriel français devra néanmoins composer avec son concurrent allemand Siemens, qui travaille désormais étroitement avec l'opérateur national, la Deutsche Bahn.