"Des Marseille-Londres à 15 euros en avion contre 188 en train": le train est-il vraiment beaucoup plus cher que l'avion pour les liaisons européennes?

Un Boeing 787 Dreamliner de Qatar Airways (Photo d'illustration) - ADRIAN DENNIS
Pour des voyages à l'intérieur de la France, le train est clairement moins cher que l'avion. D'autant plus que le décret de 2023 interdit les vols intérieurs lorsqu'un trajet en train de moins de 2h30 est possible, une disposition emblématique de loi climat 2021.
C'est l'une des conclusions de la dernière étude de Réseau Action Climat qui s'appuie sur une comparaison des prix menée par l’UFC-Que Choisir et Greenpeace sur les 48 liaisons aériennes hexagonales les plus empruntées.
"Résultat: lorsqu’il existe une alternative ferroviaire directe, le train est nettement moins cher (-40%)", peut-on lire. En moyenne, le prix moyen le plus bas pour des liaisons avec TGV ou Intercités de jour directes (moyenne de 25 lignes) est de 64 euros contre 106 euros en avion. Notamment grâce aux prix bas de l'offre low cost Ouigo de la SNCF.
Un voyage en train avec correspondance est plus cher que l'avion, selon l'étude
Problème, cet avantage s'arrête là, selon Réseau Action Climat. "Quand une correspondance est nécessaire, le train devient plus cher (+10%). Cela s’explique car le prix des billets de train double presque lorsqu’il est nécessaire de faire une correspondance", avance le rapport.
Sur les liaisons qui nécessitent une correspondance en train (moyenne de 23 lignes), le prix moyen le plus bas est de 113 euros contre 102 euros pour l'avion, selon les calculs réalisés.
"Il existe donc un enjeu de "connectivité" ferroviaire en France. Sur les 10 principales liaisons aériennes françaises transversales, c’est-à-dire qui ne desservent pas Paris, 7 n’ont pas d’alternative directe en train", détaille l'étude.
Le low cost aérien profite de l'absence de la SNCF sur les lignes transversales
"La ligne entre Nantes et Marseille en est un exemple éloquent. La liaison ferroviaire directe a été arrêtée par la SNCF en 2020, et le trafic aérien a augmenté de 11% entre 2019 et 2024. C’est aujourd’hui la principale liaison aérienne transversale en France, avec plus de 400.000 passagers aériens tous les ans", peut-on lire.
De quoi expliquer le succès en France de la compagnie aérienne low cost Volotea qui joue justement la carte des liaisons inter-régionales.
"Nantes-Montpellier est notre route la plus fréquentée car la liaison en train est longue et chère, d'ailleurs, les clients les plus nombreux sont les jeunes de moins de 35 ans. Nous sommes également à Rodez car il faut 11 heures en train pour rejoindre Paris", confirme d'ailleurs Gilles Gosselin, Country Manager France de l'opérateur espagnol qui s'exprimait ce mercredi lors d'un congrès professionnel. "Nous opérons 270 routes dont la moitié n'a jamais été desservie".
Et lorsqu'on passe les frontières, l'avion prend clairement l'avantage. "En pondérant par le nombre de passagers aériens, le train est en moyenne 2,5 fois plus cher que l’avion. Par exemple: sur la liaison Paris-Rome, qui transporte plus de 2 millions de passagers aériens chaque année, le billet d’avion le plus bas se trouve autour de 70 euros en moyenne, contre 210 euros pour un billet de train".
L'avion profite d'une fiscalité avantageuse par rapport au train
Paris-Londres n'est pas en reste avec un prix moyen minimum de 120 euros en train contre 44 euros en avion. Rappelons que pour le moment, Eurostar est en situation de monopole sur cette liaison.
Le train peine à suivre les tarifs agressifs des low cost aériennes et souffre de la rareté des billets de train bon marché sur les liaisons internationales. D'autant plus que sur les 10 principales liaisons aériennes depuis la France vers l’Europe, six n’ont pas d’alternative directe en train.
"La conjugaison de ces deux facteurs peut donner des différences de prix considérables: entre Marseille et Londres, Greenpeace a trouvé un billet d’avion à 15 euros, quand le billet de train le moins cher coûtait 188 euros le même jour".
Selon Réseau Action Climat, l'aérien profite surtout des exonérations fiscales aériennes.
"Alors que le transport ferroviaire s’acquitte d’une taxe sur l’électricité et d’une TVA sur certaines liaisons européennes, (et de lourds péages, NDLR) l’aérien ne paye ni taxe sur le kérosène, ni TVA à l’international. Avec une TVA à 20% et une taxe sur le kérosène à hauteur du diesel routier, le coût pour les compagnies aériennes serait majoré d’environ 35 euros par passager sur un Paris-Barcelone", peut-on lire.
"Sur les liaisons européennes, l'aberration est totale", c'est "le monde à l'envers", raille Réseau Action climat.
Et comme le souligne Emmanuel Combe, universitaire spécialiste de l'aérien, "le prix du billet reste l'étalon du choix", encore plus pour les moins de 35 ans.
Biais
Reste que cette étude présente quelques biais. D'abord, la méthodologie indique qu'aucune carte de réduction n’a été prise en compte pour les tarifs du train, or plus de 5 millions de Français possèdent la Carte Avantage qui permet des réductions de 30% sur des billets TGV Inoui et Intercités de la SNCF et un plafonnement des tarifs. Et cette carte couvre souvent plusieurs personnes dans le foyer.
Le prix pour se rendre à l’aéroport et à la gare n’a pas été intégré non plus; ni le temps de parcours d'ailleurs de centre-ville à centre-ville. Or, cela représente une vraie différence dans la bataille entre le train et l'avion, le premier bénéficiant d'un vrai avantage.
Enfin, les relevés de prix pour les liaisons aériennes (réalisés par Greenpeace et Que Choisir) correspondent aux prix facial proposés ou prix d'appel, c'est à dire sans bagages et sans options.
Or, il faut souvent souscrire à une ou plusieurs options comme l'emport des bagages, le choix de la place... Ce qui augmente considérablement le prix du billet réellement payé.
Selon une récente étude, plus de la moitié des passagers européens souscrivent à des options supplémentaires lors de l'achat d'un billet, des options qui peuvent même parfois dépasser le prix initial du billet.
Interrogé, Alexis Chailloux, responsable aérien et ferroviaire chez Réseau Action Climat estime que "vu l'écart de prix sur les liaisons européennes, c'est à mon avis assez marginal sur les conclusions. Même en majorant le prix des billets d'avion de 28% (recettes moyennes de Ryanair avec les options), le constat global ne changerait pas".
"Greenpeace a fait le choix de ne pas l'intégrer car leur analyse porte sur le prix le plus bas, mais aussi parce que l'avion se développe fortement sur des segments de "city trip" ou séjours courts, où beaucoup de passagers parviennent à faire tenir leurs affaires dans une valise cabine", précise-t-il.