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La réutilisation de fusées "n'est pas demandée par les clients", assure André-Hubert Roussel (ArianeGroup)

Alors que l'Europe de l'espace se met en ordre de bataille pour les prochaines années, le président exécutif d'ArianeGroup n'estime pas être mis sous pression par les nouveaux acteurs américains comme SpaceX.

La semaine dernière, les 22 pays membres de l'Agence spatiale européenne (ESA) ont voté un budget de 14,4 milliards d'euros pour financer les nouveaux programmes. Une somme record qui couvrira les domaines des sciences de l'univers, de l'exploration (missions sur Mars et sur la Lune) et d'observation de la Terre. Mais il s'agira aussi et surtout de soutenir les deux lanceurs européens, dont Ariane 6, au moment où les lanceurs américains privés et réutilisables (comme celui de la société SpaceX, fondée par Elon Musk) bouleversent complètement la donne.

Pour André-Hubert Roussel, président exécutif d'ArianeGroup, invité ce lundi dans l'émission "12h, L'heure H" sur BFM Business, cette nouvelle concurrence américaine n'est pas l'aiguillon qui a poussé les Européens à mettre plus d'argent dans l'ESA. "De tout temps, la concurrence américaine existait. Elon Musk a bouleversé les choses technologiquement. En revanche, le marché américain institutionnel bénéficie d'un support sans commune mesure avec le marché européen. La réutilisation (de fusées, NDLR), elle a été étudiée", explique-t-il. Elle a même déjà existé avec une navette spatiale américaine réutilisable, en service de 1981 à 2011. Mais, selon André-Hubert Roussel, il n'y a eu "aucun succès commercial et Ariane est restée leader sur son marché pendant toutes ces années".

"Peut-être que Musk a trouvé l'équation économique"

Il y a pourtant bien un virage vers les lanceurs réutilisables pour mettre en orbite des satellites. Mais pour le moment, ArianeGroup n'entend pas se précipiter. "Aujourd'hui, la réutilisation est un sujet important et d'ailleurs je rends hommage aux décisions qui ont été prises la semaine dernière par les Etats membres de l'ESA pour effectivement étudier cette technologie, faire en sorte que nous la maturions dans les années qui viennent".

Et de poursuivre: "La question de tout temps, ça a été de trouver l'équilibre économique avec la réutilisation et aujourd'hui il semble effectivement que peut-être que Monsieur Musk a trouvé l'équation économique de la rentabilité de la réutilisation", concède le responsable.

L'Europe a-t-elle alors pris conscience du danger potentiel de ce "new space"? Le budget de "14 milliards (de l'ESA, NDLR), plus le prochain budget de la Commission de 16 milliards, doit permettre à l'espace de continuer à se développer et, au travers d'un certain nombre de démonstrateurs technologiques qui ont été décidés, (...) de préparer l'avenir lorsque nous aurons besoin de cette réutilisation qui, encore une fois, n'est pas demandée par les clients", estime André-Hubert Roussel. Ce dernier reconnaît toutefois l'importance de son "aspect économique", aspect qui posera forcément et très rapidement question à ArianeGroup dont le premier vol de sa future nouvelle fusée Ariane 6 est programmée pour le second semestre 2020.

Olivier Chicheportiche