Qui est Travis Kalanick, l'ancien patron controversé d'Uber évoqué dans les "Uber files"?

Uber . Dimanche, un consortium de médias a révélé les liens étroits entre Emmanuel Macron et la société Uber, du temps où l'actuel chef de l'Etat était ministre de l'économie et des finances. Les 124.000 documents épluchés par la quarantaine de journalistes d'investigation mettent notamment en lumière des échanges réguliers et même des rencontres physiques entre l'ancien locataire de Bercy et Travis Kalanick, le patron de l'entreprise américaine. Des relations étroites destinées à faciliter l'implantation du géant du VTC en France.
Ces révélations surviennent un mois après la diffusion en France de "Super Pumped: la face cachée d'Uber". La série s'appuie sur le livre du journaliste du New York Times Mike Isaac et revient sur la naissance et l'ascension d'Uber à travers la figure de son sulfureux co-fondateur et patron: Travis Kalanick. Et sulfureux apparaîtrait presque un faible mot quand on se penche sur la personnalité de l'entrepreneur américain qui a démissionné de ses fonctions il y a maintenant cinq ans.
PDG en quinze mois
Travis Kalanick est né en 1976 à Los Angeles. A l'âge de 22 ans, ll quitte l'université pour monter avec cinq amis la start-up Scour, un moteur de recherche multimédia. Sous la menace de procès pour droits d'auteur, il est contraint de déclarer faillite mais revient rapidement avec un concept similaire intitulé Red Swoosh qu'il parvient à revendre pour 23 millions de dollars en 2007.
L'idée Uber naît quelques mois plus tard après sa rencontre avec Garrett Camp, un autre jeune entrepreneur millionnaire qui deviendra l'autre cofondateur d'Uber. C'est d'ailleurs du cerveau de ce dernier qu'émane le concept de réservation de taxis depuis une application sur le Web. Garett Camp fonde UberCab que Travis Kalanick rejoint officiellement à l'été 2009 alors que l'application bénéficie du lancement de l'iPhone 3G, équipé d'un GPS.
Kalanick effectue une ascension fulgurante qui le propulse PDG d'Uber dès la fin de l'année 2010. Il réalise une internationalisation express du service, initialement situé à San Francisco, et impose le modèle dans plusieurs grandes villes. Et il n'hésite alors pas à aller au bras-de-fer avec les mairies qui refusent la concurrence jugée déloyale des chauffeurs Uber indépendants et autoentrepreneurs vis-à-vis des taxis qui payent une redevance. En 2016, il avait par exemple encouragé les chauffeurs français à contre-manifester face aux taxis mécontents malgré des risques de violences.
Une attitude misogyne
La popularité grandissante de l'application auprès des usagers lève progressivement les barrières. En parallèle de l'explosion d'Uber, l'attitude, les positions et les techniques managériales discutables du patron commencent à s'ébruiter. Il rejette toute responsabilité de l'entreprise dans les problèmes de sécurité que peuvent rencontrer les clientes d'Uber. A cet égard, il avait plaisanté au sujet d'un projet d'application de commande de taxi spécifique aux femmes en l'appelant "boober" (qui a des seins proéminents). Il a également investi des sommes conséquentes afin de discréditer une journaliste qui enquêtait sur le sexisme ambiant au sein de l'entreprise.
Début 2017, près d'un demi-million d'utilisateurs quittent l'application en réaction au soutien de Travis Kalanick au décret anti-immigration de Donald Trump. Le patron d'Uber avait décidé de baisser les tarifs des courses pour maintenir l'activité de l'application alors qu'un nombre important de chauffeurs étaient en grève pour protester contre le Muslim Ban du président américain.
"Culture bro"
L'année 2017 a toutefois été fatale pour Travis Kalanick. Au mois de mars, une vidéo montre une altercation entre lui et un chauffeur Uber qu'il finit par insulter. Cette affaire survient quelques semaines seulement après la publication d'un article explosif de Mike Isaac dans les colonnes du New-York Times. Celui-ci évoque la "culture bro", caractéristique des start-ups nées dans la Silicon Valley, une culture qui règne dans les rangs de l'entreprise et se manifeste par un climat masculiniste et misogyne.
Face à cette exposition médiatique négative, Travis Kalanick présente des excuses publiques et s'engage à améliorer ses méthodes managériales et son attitude générale. Mais les actionnaires d'Uber ne lui en laisseront pas l'occasion et il est contraint de remettre sa démission en juin 2017.
Il quitte alors définitivement le conseil d'administration de l'entreprise qu'il a cofondée en décembre 2019 après avoir revendu 21% de ses parts pour un montant supérieur à 500 millions de dollars. Aujourd'hui, il investit massivement dans l'immobilier et a fondé une start-up spécialisée dans la livraison de repas. Un futur concurrent d'UberEats?