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Les Français mis à contribution et les entreprises alors? Un nouveau rapport estime à 112 milliards d'euros les aides publiques aux entreprises

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Un rapport du Haut-Commissariat à la stratégie et au Plan tente d'y voir plus clair dans ce maquis très difficile à évaluer et qui crée donc "un problème d’information et de lisibilité, pour les entreprises comme pour les citoyens".

Jugées essentielles par les uns mais épinglées par les autres, les aides publiques aux entreprises continuent de susciter le débat alors que le gouvernement demande des efforts "à tous les Français" pour redresser les finances publiques. Pour les syndicats, il s'agirait avant tout de se pencher sur tous ces dispositifs, dont le très contesté Crédit Impôt Recherche, avant de demander de nouveaux efforts aux salariés.

Un rapport du Haut-Commissariat à la stratégie et au Plan publié jeudi tente d'y voir clair dans ce maquis très difficile à évaluer "avec à la clé un problème d’information et de lisibilité, pour les entreprises comme pour les citoyens, ce qui constitue également un enjeu démocratique". Rien que l'estimation du montant de ces aides prête à débat.

"Diversité des définitions, des périmètres et du mode même d’estimation des coûts pour les acteurs publics… Trancher le débat sur le montant total des aides aux entreprises est un exercice complexe et subjectif", peut-on lire.

"Un exercice complexe et subjectif"

Le rapport estime néanmoins qu'en additionnant un premier périmètre, fondé sur la définition européenne des aides d’État, c’est-à-dire celles qui sont légales et autorisées par la Commission européenne (45 milliards d'euros), avec un second englobant subventions, dépenses fiscales et aides financières, on arrive à un total de 111,9 milliards d'euros en 2023, contre 211 milliards selon la commission d'enquête sénatoriale.

Dans le détail, c'est un vrai millefeuille d'aides et de subventions qui sont aujourd'hui disponibles. Les 175 mesures d'aides budgétaires représentent près de 40 milliards d'euros tandis que les 234 dispositifs d'aides fiscales (exonérations, déductions d'impôts...) pèsent pas moins de 52 milliards d'euros. Enfin les différentes aides financières (prêts, PGE...) s'élèvent quant à elles à quelque 17,3 milliards d'euros.

"Ce montant total pourrait encore être élargi car, outre les exonérations de cotisations sociales, quatre sources d’aides publiques n’y sont pas incluses", précise le rapport, notamment les aides des collectivités locales (7 milliards d’euros) et des aides européennes (10 milliards).

"Disposer d’une estimation de l’ensemble de ces aides et d’une analyse de leurs caractéristiques est essentiel pour améliorer l’efficacité de l’action publique. Il apparaît donc nécessaire de fixer une définition des aides aux entreprises et d’en donner le montant à périmètre constant chaque année. Ces éléments stables devraient être présentés en annexe conjointe du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale", plaide le rapport.

Une multiplicité des dispositifs qui risque d’avantager les plus grandes entreprises

La complexité et le nombre flou des dispositifs constituent pour les auteurs un frein pour les chefs d'entreprises, notamment les plus petites. Et cela empêche une évaluation satisfaisante de leurs bénéfices. "Il en résulte un problème d’information et de clarté, pour les acteurs privés comme pour les acteurs publics. Du point de vue des acteurs privés, cette multiplicité des dispositifs risque d’avantager les entreprises – souvent les plus grandes – qui investissent dans la maîtrise de la complexité administrative, des techniques d’optimisation fiscale et des évolutions liées à l’instabilité des politiques publiques", peut-on lire.

D'autant plus que ce "foisonnement des dispositifs implique aussi leur redondance, voire un risque de cumul d’aides par les entreprises".

"En outre, les gains ne sont pas toujours lisibles pour les entreprises du fait notamment de la divergence entre les taux nominaux des prélèvements, comme l’impôt sur les sociétés et les cotisations sociales, et les taux qui leur sont effectivement appliqués". Tout comme le coût véritable pour les administrations publiques. "La première tient au nombre important de mesures à chiffrer. Une deuxième difficulté concerne les mesures dont les modalités de mise en œuvre sont autres que la simple subvention ou les exonérations fiscales ou de cotisations sociales", peut-on lire.

En définitive, le rapport exhorte l'Etat à lancer un "recensement complet sur un périmètre figé, une définition claire, des dispositifs stables et évalués systématiquement (tous les trois à cinq ans) : là résiderait une amélioration, démocratique et efficace, des aides aux entreprises".

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business