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Les défaillances d'entreprises accélèrent encore au 2e trimestre et ce n'est plus un rééquilibrage

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Selon les données du cabinet Altares, la restauration, les garages, l'habillement ou encore la poissonnerie et la parfumerie connaissent une sinistralité au plus haut depuis 10 ans.

Sans surprise, les défaillances d'entreprises ont encore accéléré en France au deuxième trimestre. Pas moins de 13.266 procédures ont été comptabilisées par Altares* entre le 1er avril et le 30 juin. "La France signe son plus lourd bilan de 2e trimestre depuis 2016" souligne le cabinet.

Sur un an, la progression des défaillances est de 35%, de quoi dépasser "très nettement les niveaux d’avant crise". On ne peut donc plus parler de rééquilibrage.

Sur 12 mois glissés, le cap des 50.000 entreprises défaillantes est dépassé. "Un seuil cette fois similaire à février 2020, juste avant la crise Covid" précise Altares.

"Le référentiel d’avant Covid vole en éclat. Le cap des 13.000 défaillances est nettement franchi et nous ramène à des seuils similaires à 2016, période marquée par les crises financières et européennes" commente Thierry Millon, directeur des études Altares.

Inquiétude du côté des ETI

"Plus de 9 procédures sur 10 concernent des TPE, dont les trois-quarts sont immédiatement liquidées" poursuit l'expert.

En effet, 12.130 entreprises défaillantes comptent moins de 10 salariés, soit 91% du total des procédures.

Mais c'est du côté des ETI (entreprises de tailles intermédiaires) que l'inquiétude est la plus grande. "Alors que les défauts de TPE sont en hausse de 33% par rapport au 2e trimestre 2022, les PME ETI enregistrent une hausse de 55% du nombre de procédures" peut-on lire.

"Plus de 1100 PME et ETI ont fait défaut, du jamais vu depuis plus de 10 ans" résume Thierry Millon.

Conséquence directe, 55.000 emplois dans ces entreprises sont menacés, un seuil qui n'avait pas été dépassé depuis 2014.

Invité sur BFM Business ce mercredi, le Médiateur des entreprises, Pierre Pelouzet, relativise le constat global, assurant qu'il y a "un certain nombre d'entreprises qui vont très bien" dans "des domaines qui se développent". S'il reconnaît qu'il y a "d'autres domaines pour lesquels c'est un peu plus difficile", il souligne "qu'on est en sortie d'une période particulière". "On a eu la période des aides qui ont gelé toute l'économie. On sort de cela. Du coup, les entreprises qui étaient déjà fragiles (...) sont en train de décliner petit à petit" observe-t-il, affirmant toutefois qu'il n'y a pas de "catastrophe", simplement "une évolution de la typologie des entreprises en difficulté".

À l’inverse, Altares souligne la résilience des jeunes entreprises (moins de 3 ans) lancées en pleine vague covid. Le nombre de défaillances recule de 5% sur le trimestre. "Elles ont éclos dans l’adversité, avec des projets très préparés, solidement financés, et une appréhension de la crise passée" explique Thierry Millon.

Record historique de défaillances dans la restauration rapide

Du côté des secteurs, ce sont les activités à destination du consommateur qui souffrent le plus. La restauration affiche le plus de défaillances avec 1477 procédures soit 53% de plus en un an. De quoi revenir à la sinistralité de 2016.

La restauration rapide affiche même un record historique avec 646 défaillances trimestrielles, soit +64% en un an.

La restauration assise n'est pas en reste (767 défaillances, +43%) soit un plus haut depuis 2018 tandis que les débits de boissons connaissent des défaillances en hausse de 50% sur un an à 264.

Dans le commerce, la situation se dégrade "très nettement" avec une hausse annuelle de 35% pour les activités de détail.

Le commerce et réparation de véhicules "n’a pas connu de deuxième trimestre plus sinistré sur la décennie (+33% à 1805), qu’il s’agisse des garagistes ou du commerce de véhicules" souligne le rapport.

Mais c'est le commerce d'habillement qui affiche la hausse la plus sévère (308 soit +72%), un nombre qui n’avait plus été atteint depuis plus de cinq ans. C'est le résultat d'une vague sans précédent de liquidations de plusieurs marques en France.

Dans la distribution, le commerce multi-rayons enregistre son plus mauvais chiffre de la décennie avec 269 défaillances soit une hausse annuelle de 33%.

L'agriculture sauve les meubles

"Parmi les autres activités de commerce au plus haut sur dix ans, nous trouvons la poissonnerie, la parfumerie ou le e-commerce. Le commerce interentreprises tente de résister mais reste à la peine dans l’alimentaire (+39%)" peut-on lire.

Dans les services aux particuliers, les activités de coiffure et instituts de beauté souffrent particulièrement avec 459 procédures (+35%), une sinistralité au plus haut sur dix ans.

Dans le B2B, la croissance des défaillances est également forte notamment dans l'univers de la construction et de l'immobilier, plombé par la hausse des taux d'intérêt.

Dans le BTP, les procédures flambent de 35% "sans renouer pour autant avec les seuils d’avant crise". Mais dans l'immobilier, le secteur des agences souffre particulièrement avec +104% de procédures sur un an à 190. Soit le plus mauvais chiffre depuis 2014.

Le reste est à l'avenant: +19% dans l'industrie manufacturière (plus haut de cinq ans), +30% dans les services aux entreprises ou encore +25% à 328 dans le transport routier de marchandises, "un niveau jamais atteint depuis plus de 10 ans".

Seul le secteur de l'agriculture sauve les meubles avec +2,4% de défaillances à 294, soit un niveau encore inférieur à celui du deuxième trimestre 2019.

Pour 2023 au global, Altares table sur 55.000 entreprises en défaut.

*: les statistiques Altares de défaillances d’entreprises comptabilisent l’ensemble des entités légales disposant d’un numéro SIREN (entreprises individuelles, professions libérales, sociétés, associations) et ayant fait l’objet d’un jugement d’ouverture de procédure prononcé par un Tribunal de Commerce ou Judiciaire.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business