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INFO BFM BUSINESS. "Le projet reste plus que jamais valable": l'unique repreneur de Carmat en lice réagit au report de l'audience par le tribunal de commerce

Carmat subit un nouveau contre-temps important

Carmat subit un nouveau contre-temps important - Carmat

Pierre Bastid, l'homme d'affaires à l'origine de la seule offre de reprise du fleuron français du coeur artificiel Carmat, réagit en exclusivité auprès de BFM Business au report, décidé par le tribunal de commerce de Versailles, de l'audience qui aura finalement lieu le 30 septembre.

C'est un soulagement pour Pierre Bastid. L'unique repreneur potentiel de Carmat, fleuron français du coeur artificiel, s'est confié en exclusivité à BFM Business après que le tribunal de Versailles a validé le report de l'audience au 30 septembre. Un délai supplémentaire bienvenu pour le président du conseil d'administration du fabricant du coeur Aeson, bien déterminé à muscler le plus possible son offre de reprise.

Et ce, alors même que Carmat est en proie à d'importantes difficultés financières. Créée en 2008, l'entreprise, dont le siège est à Vélizy-Villacoublay (Yvelines), est tellement à bout de souffle qu'elle avait même lancé une campagne de dons en juin. À court d'argent, elle espérait rassembler 3,5 millions d'euros avant le 30 juin dernier ainsi que 20 millions d'euros d'ici la fin de l'année.

Mais les appels au secours n'ont pas suffi et Carmat s'est résolu, à contre-coeur, à demander son placement en redressement judiciaire en début d'été. Un appel d'offres a alors été lancé et seul Pierre Bastid s'est présenté pour sauver le fabricant de coeurs artificiels.

"C'est l'occasion d'apporter sa petite pierre quelque part, l'insuffisance cardiaque est quand même la première cause de mortalité au monde. Cela peut être extrêmement rentable à terme. Bon ça a pris du temps, ça va prendre du temps encore, mais le projet, plus que jamais, reste valable", réagit-il, le ton confiant.

Alors que le tribunal de commerce de Versailles devait statuer sur l'unique offre de reprise déposée dans les délais impartis mardi 19 août, les juges ont accepté la demande de report de l'audience émise par Pierre Bastid, afin de mettre toutes les chances de son côté.

1 million d'euros déjà sur la table

D'après l'offre que BFM Business a consultée, l'homme d'affaires, déjà détenteur de 20% de l'entreprise, s'engage déjà à mettre un million d'euros sur la table pour sauver Carmat, par le biais de sa société familiale belge. Mais en plus du prix de rachat, il s'engage à apporter 150 millions d'euros sur cinq ans, dont 40 millions d'ici janvier prochain.

Pour cela, l'ancien patron de Schneider, Valeo et Thomson, arrivé à la tête du conseil d'administration de Carmat en juin 2024, ne manque pas de motivation : il a déjà investi 60 millions d'euros depuis 2017 dans Carmat. Et pour financer son rachat, il vient de mettre en vente un actif immobilier de prestige à New York, estimé à 76 millions de dollars. Mais la tâche est délicate.

"Le problème de l'immobilier, c'est qu'il faut trouver l'acheteur qui va bien et tant qu'on ne l'a pas, on ne l'a pas. Donc il faut mettre d'autres fers au feu", confie-t-il.

Le président du conseil d'administration de Carmat mise donc sur une autre piste de financement, qui n'est pas mentionnée dans l'offre de reprise déposée au tribunal et que BFM Business a consultée. "J'ai lancé la cession d'une entreprise que j'ai par ailleurs, Eoliance. Le process suit son cours, il y a des signaux positifs", indique-t-il.

Reste à savoir s'il trouvera bien un repreneur pour cette société. D'après les données consultables sur Papers, Eoliance est une entreprise spécialisée dans la gestion de l'air des bâtiments au capital social de 22.298.423 euros. Mais ses résultats ne sont pas réjouissants : -2,07 millions d'euros pour l'Ebitda, -2,17 millions pour le résultat d'exploitation, -420.000 euros de résultat net. Et le chiffre d'affaires est en recul de 8,4% en 2024.

Objectif reprendre la majorité des salariés... mais pas forcément tous

Surtout, le délai supplémentaire accordé par le Tribunal de commerce de Versailles doit permettre à Pierre Bastid d'estimer plus précisément la masse salariale qu'il pourrait être prêt à conserver. En effet, l'offre de reprise que nous avons consultée est ambigüe : à deux pages distinctes, il est mentionné que l'homme d'affaires a l'intention de reprendre tous les effectifs "nécessaires à la reprise de l'activité", et "tous les contrats". Alors que les salariés attendaient déjà avec impatience le dénouement mardi et ressentent une certaine frustration de devoir encore attendre, Pierre Bastid indique que les chiffrages ne sont pas encore terminés.

"Aujourd'hui, c'est un petit peu tôt de dire qui ça concerne, j'imagine que sur les 145 employés, cela va concerner la grande majorité. "Le délai qui m'a été accordé par le tribunal de commerce va me permettre de rentrer plus dans le détail et de confirmer qu'on gardera la vaste majorité du personnel", détaille-t-il.

À la recherche de co-investisseurs

Enfin, Pierre Bastid compte bien profiter du délai supplémentaire pour trouver d'autres sources de financements afin de donner un nouveau souffle à Carmat. "Je suis à la recherche de co-investisseurs", affirme celui qui croit dur comme fer en l'avenir du fabricant de coeurs artificiels, malgré ses mauvais résultats financiers ces dernières années.

"C'est comme envoyer quelqu'un sur la Lune, c'est une rupture similaire. Aujourd'hui, pour arriver là où on en est chez Carmat, on a mis 550 millions. Je ne suis pas du domaine des Medtech, mais selon les benchmark, 550 millions, ce n'est pas du tout énorme. Donc, c'est un investissement important, mais je ne dirais pas que c'est un gouffre", considère l'hommes d'affaires. "On y est presque, c'est dommage de s'arrêter si près du but", conclut-il.

Caroline Robin et Astrée Olivier