INFO BFM BUSINESS. Un rachat à 1 million d'euros et 138 salariés repris: les détails de l'unique offre de reprise pour Carmat

Carmat retient son souffle. Mardi 19 août, le tribunal de commerce de Versailles examinera la seule offre de reprise qui a été déposée pour sauver le fleuron français du coeur artificiel.
En difficultés financières, l'entreprise créée en 2008 et entrée en Bourse en 2010, dont le siège se trouve à Vélizy-Villacoublay (Yvelines), a demandé au début de l'été son placement en redressement judiciaire. Une décision prise à contre-coeur par ce symbole de l'innovation médicale française, en défaut de paiement après avoir échoué à rassembler les fonds nécessaires pour payer ses créanciers.
Un rachat à 1 million d'euros
Un appel d'offres a alors été lancé pour sauver le fabricant du coeur Aeson… mais une seule offre a été déposée avant la date butoir fixée au 31 juillet dernier. Selon les informations de BFM Business, elle émane de Pierre Bastid, le président du conseil d'administration de Carmat.
Ancien patron de Schneider, Valeo et Thomson, arrivé à la tête du conseil d'administration en juin 2024 et déjà détenteur de 20% de l'entreprise, l'homme d'affaires met sur la table 1 million d'euros pour reprendre Carmat par le biais de sa société familiale belge, selon l'offre de reprise que BFM Business a pu consulter. Mais en plus du prix de rachat, il s'engage à apporter 150 millions d'euros sur cinq ans, dont 40 millions d'ici janvier prochain.
Pour cela Pierre Bastid ne manque pas de motivation: il a déjà investi 60 millions d'euros depuis 2017 dans Carmat. Et pour financer son rachat, il vient de mettre en vente un actif immobilier de prestige à New York, estimé à 76 millions de dollars. Côté emploi, Pierre Bastid promet de reprendre tous les contrats nécessaires à la poursuite de l'activité, soit les 138 salariés.
En cas de validation par le tribunal de commerce, l'offre devra également être approuvée par le ministère de l'Économie avant d'être entérinée. En effet, Carmat officie dans le secteur stratégique de la santé publique et serait alors reprise par une société étrangère, en l'occurrence belge, ce qui nécessite l'aval du gouvernement.
Risque de liquidation
Seule solution pour remettre Carmat sur pieds: transplanter 500 coeurs par an. mais avec seulement 42 opérations l'année dernière, et 16 au premier trimestre 2025, Carmat est encore loin d'être rentable. Une nouvelle version du coeur est en développement et Pierre Bastid promet d'augmenter de 15 à 20% le prix, aujourd'hui à 167.000 euros en moyenne.
Dans un communiqué diffusé sur son site internet mercredi 13 août, Carmat a annoncé la suspension de son cours à partir du 14 août, en amont de l'audience programmée par le tribunal de commerce de Versailles ce mardi.
La société insiste "sur le fait qu'il n'y a à ce stade pas d'assurance que cette offre aboutira" et qu'elle est "exposée à un risque de liquidation y compris à brève échéance".
Si le juge prononce la liquidation, alors il signera l'arrêt des coeurs artificiels les plus prometteurs au monde. La seule offre de reprise qui a été déposée est en effet l'unique chance de sauver les 30 ans de recherche et le demi-milliard d'euro investi dans la transplantation cardiaque.
120 patients greffés
À la veille de l'audience, Stéphane Piat, le directeur général de Carmat, demeure malgré tout confiant. Après 120 patients greffés, il considère le projet comme trop important pour être arrêté. Le patron assure que ses équipes feront tout ce qu'il faut pour continuer, y compris travailler dans des conditions dégradées.
"Nous sommes sur le pont", assure-t-il.
Car l'objectif est clair: finaliser le nouveau modèle de prothèse cardiaque et l'implanter sur un patient avant la fin de l'année.
Il n'empêche: après une succession d'erreurs stratégiques, des promesses trop ambitieuses et des investisseurs multiples, Carmat a perdu ses soutiens un par un: Bpifrance puis Airbus ont quitté le capital de l'entreprise, lestée par une image de marque dégradée après la mort de deux patients en 2021.
Ces décès avaient qui plus est conduit l'entreprise à suspendre les implantations de son coeur artificiel Aeson pendant près d'un an, entre fin 2021 et octobre 2022. Des améliorations avaient pourtant été apportées au dispositif depuis sa première implantation sur un patient en 2014, Carmat rêvant d'un "coeur définitif" qui remplacerait, à terme, le coeur malade.
Alors faut-il poursuivre ou arrêter les frais? Si la direction veut rester optimiste jusqu'à la décision du tribunal, elle sait que c'est peut-être cette fois la fin de l'histoire pour Carmat.