Pourquoi l'Etat veut reprendre la main sur le nucléaire d'EDF

EDF a une dette qui s'élève à 37 milliards d'euros, et doit se préparer pour les investissements à venir, évalué à 100 milliards d'euros. - Sebastien Salom- Gomis - AFP
EDF va se réformer. À la demande de l’Etat, actionnaire à 83,7 %, le groupe a diligenté plusieurs organismes financiers, comme la Société Générale, JP Morgan, UBS, Oddo ou encore Natixis, pour élaborer différents scénarios de réformes, selon des informations du Parisien. Le Comité de la stratégie du Conseil d’administration doit lors d'une réunion prévue le 28 mai présenter le projet retenu, qui porte le nom d"Hercule".
Maintenir les tarifs
L'objectif est de renationaliser, au moins partiellement les activités nucléaires du groupe, pour répondre à la volonté d'Emmanuel Macron qui considère que "le nucléaire est une activité régalienne qui ne doit pas subir les sursauts de la bourse ou des marchés", confie une source proche du dossier au quotidien.
En ayant la mainmise sur la production nucléaire, l'Etat voudrait influer sur les prix, en les décorrélant de ceux du marché. Il s'agirait alors de rester dans une zone de tarifs, qui ne pourraient ni dépasser un certain plafond, pour éviter une inflation des prix, ni descendre trop bas, pour qu'EDF puisse conserver des revenus stables. C'est le modèle retenu pour la construction des deux EPR à Hinkley Point, où les investissements sont garantis par un tarif de rachat de l'électricité produite pendant 35 ans.
Financer la rénovation du parc nucléaire
L'autre priorité à gérer pour EDF est de trouver les moyens d'alléger sa dette, qui s'élève à 37 milliards d'euros, et de préparer les investissements à venir. La maintenance et la rénovation du parc nucléaire devrait nécessiter de mettre sur la table 100 milliards d'euros d'ici à 2030. L'EPR pèse aussi lourd dans la balance : le groupe finance sur fonds propres celui d'Hinkley Point (16 milliards d'euros) et celui de Flamanville voit sa facture sans cesse s'agrandir. Alors qu'il a déjà coûté 11 milliards, il pourrait en coûter deux de plus avec les derniers retards annoncés.
Pour parvenir à ces objectifs, la réorganisation du groupe consisterait à mettre en place une holding mère, qui accueillerait les activités nucléaires, et sa commercialisation sur le marché de gros, voir les grands barrages hydrauliques. "Elle détiendrait par ailleurs, là aussi majoritairement mais pas forcément à 100 %, une participation dans une société fille, détaille encore la source. Celle-ci porterait la commercialisation auprès des clients, particuliers et professionnels. Ainsi que les participations dans les réseaux, RTE et Enedis" poursuit la même source.
Une mise en place au mieux en 2021
C'est en tout cas le scénario sur lequel "tout le monde travaille, EDF et APE (agence de participation de l'Etat, ndlr) en tête, et qui a le plus de crédibilité d’un point de vue juridique et financier" explique une source au quotidien.
Le renationalisation totale du secteur nucléaire coûterait cher, car il faudrait lancer une offre publique de retrait pour les 15% du capital qui sont en bourse. "sans parler de la prime à verser aux actionnaires minoritaires. Sur une valeur boursière totale de 37 milliards, cela ferait 6 à 8 milliards à débourser pour l’Etat", détaille une source au quotidien.
Le chemin à parcourir est encore long : une fois le projet validé par le comité d'orientation, il doit ensuite être présenté le 7 juin aux 200 tops managers du groupe, puis le 20 juin aux organisations syndicales. Ensuite, il doit encore être validé par Bruxelles en 2020 pour une mise en place au mieux en 2021.