Les actionnaires de Stellantis votent contre le salaire des dirigeants, dont Carlos Tavares

Une majorité d'actionnaires de Stellantis a voté contre la politique salariale de la direction du groupe, a affirmé ce mercredi 13 avril le président de Stellantis, John Elkann, lors de l'assemblée générale du groupe.
Un avis consultatif
52,12% des votants se sont exprimés contre le rapport sur les rémunérations, et 47,88% l'ont validé. Cet avis n'est que consultatif selon les principes du droit des Pays-Bas, où est enregistré le constructeur né de la fusion en janvier 2021 des groupes Peugeot-Citroën-Opel (PSA) et Fiat-Chrysler (FCA).

John Elkann a souligné que c'était une "conviction du conseil d'administration, en tant que méritocratie, de récompenser les performances". Cette politique avait été approuvée à 87,48% lors de l'assemblée générale 2021.
Un salaire à part variable à 89%
Carlos Tavares, le directeur général du quatrième groupe automobile mondial, devrait notamment toucher à terme un total de 19 millions d'euros pour l'exercice 2021, selon Stellantis.
A côté d'un salaire fixe de 2 millions d'euros, la part variable constitue la majorité (89%) de sa rémunération, avec 7,5 millions liés à sa performance en 2021; 2,4 millions pour sa retraite; 1,7 million lié à la réussite de la création de Stellantis, et des attributions d'actions gratuites fondées sur des objectifs financiers et environnementaux à 2026, évaluées à 5,6 millions d'euros par Stellantis pour l'année 2021.
La société de gestion PhiTrust, actionnaire minoritaire de Stellantis, avait annoncé mardi avoir voté contre la rémunération de Carlos Tavares. Elle l'évalue à 66 millions d'euros pour l'année 2021, en liquide et en actions, si de très ambitieux objectifs de long terme sont atteints à leur maximum en 2028, et que l'action reste au moins à son niveau actuel.
"Aujourd'hui la fusion n'est pas finalisée. On s'attend à ce qu'il y ait des licenciements importants en Italie et en France compte tenu que les sites de production sont doublés partout. Il y aura probablement dans les services administratifs aussi beaucoup de licenciements (...) donc mécaniquement on pense que les enjeux de la fusion sur un point de vue social sont tellement importants, notamment en France et en Italie, que ce sont des rémunérations un peu décadentes", a souligné Olivier De Guerre, président de Phitrust, sur BFM Business, ce mercredi matin.
"Autant on est tout à fait d'accord pour rémunérer un dirigeant une fois la fusion réussie, mais là aujourd'hui on est au début, on ne sait pas ce qui va arriver dans les prochaines années, notamment avec les enjeux importants dans le secteur automobile", a-t-il ajouté.
Parmi les autres dirigeants de Stellantis, John Elkann va toucher au total 7,8 millions d'euros, et le directeur financier du groupe, l'Américain Richard Palmer, 14,8 millions. Les héritiers de l'ancien directeur général de Fiat-Chrysler Sergio Marchionne, décédé en 2018, vont également toucher 26 millions d'euros.
Bpifrance avait aussi voté "contre"
Si ce vote était consultatif, Stellantis explique dans un communiqué avoir pris acte de cette décision:
"La Société prend note du retour du vote consultatif sur le Rapport concernant la rémunération, conformément à la réglementation néerlandaise sur les AGA (attributions gratuites d’actions, ndlr), qui était favorable à 47,9% et défavorable à 52,1 % et expliquera dans le Rapport sur la rémunération 2022 comment ce vote a été pris en compte."
En pleine campagne présidentielle d'entre deux tours, le sujet de cette rémunération a créé un début de polémique.
Interrogé sur le sujet sur BFMTV ce matin, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a répondu qu'il s'agissait d'une "entreprise privée" et que la décision revenait aux actionnaires, tout en appelant à un meilleur partage de la valeur dans les entreprises qui versent des dividendes. "Evidemment que ce ne sont pas des chiffres normaux", a-t-il ensuite précisé à la mi-journée à l'occasion du compte rendu du conseil des ministres.
"C'est choquant, mais moins choquant que pour d'autres", a commenté de son côté la candidate du RN Marine Le Pen, soulignant que "pour une fois, il a obtenu de bons résultats".
L'Etat est présent à hauteur de 6,15% au capital de Stellantis, via une participation de Bpifrance. Bpifrance n'a pas approuvé la rémunération de Carlos Tavares en assemblée générale, ni en 2021, ni en 2022", a indiqué une porte-parole de Bpi dans une déclaration transmise à l'agence Reuters.
En France, depuis la loi Sapin II votée en décembre 2016, la validation par les actionnaires ("Say on pay") n'est plus consultative mais bien contraignante. Un vote contre des actionnaires aurait donc entraîné le versement uniquement du salaire fixe et pas de la part variable.