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Industrie: Emmanuel Macron enterre définitivement le modèle d'une France sans usines

Lors de sa présentation du plan d'investissement France 2030, le président de la République a reconnu que le pays s'était profondément trompé en voulant séparer innovation technologique et industrie.

La réindustrialisation de la France, dans des secteurs sensibles comme la santé ou les semiconducteurs est une priorité pour le gouvernement depuis le début de la crise du covid.

Cette priorité prend aujourd'hui une nouvelle dimension avec la présentation ce mardi du plan d'investissement France 2030 par le président de la République.

"Parce que nous avons pris des décisions parfois 15 à 20 ans après certains de nos voisins européens, nous ne rattraperons pas notre retard ou surtout nous nous laisserons distancer dans les 10, 15 ans qui viennent", a déclaré Emmanuel Macron. "Nous devons augmenter la capacité de l'économie française à croître par l'innovation".

Surtout, le chef de l'Etat a reconnu l'erreur qui a consisté dans le passé à séparer innovation technologique et industrie. Le fameux modèle "fabless" (sans usine), le rêve d'industries sans usines où la production est délocalisée et confiée à des sous-traitants et où on se concentre sur l'innovation et qui a tenté de nombreux secteurs industriels dans les années 2000.

"Quand on se désindustrialise, on perd de la capacité à tirer de l'innovation"

"Innovations de rupture, innovations de technologie et industrialisation sont beaucoup plus liées que nous ne l'avions intuités jusqu'alors" a-t-il expliqué, souhaitant que le pays puisse "redevenir une grande nation d'innovation".

"La France a longtemps pensé que qu'elle pouvait se désindustrialiser en continuant à être une grande nation d'innovation et de production. Je crois que maintenant il est établi que c'est faux" a-t-il tranché. "Quand on se désindustrialise, on perd de la capacité à tirer de l'innovation dans l'industrie." "C'est un continuum, tout se tient", souligne-t-il dénonçant par exemple le manque d'innovation de la France en matière de santé qui est la conséquence du flétrissement de son industrie..

Cette erreur s'est particulièrement illustrée dans le secteur de l'électronique (Thomson...) ou encore des télécoms, elle a eu pour résultat la quasi-disparition d'un fleuron français, Alcatel.

En 1995, Serge Tchuruk prend les rênes de celle qui est encore appelée Alcatel-Alsthom. Il scinde alors le groupe en deux entités distinctes. En 2001, à la suite de l'explosion de la bulle internet, le patron met en place sa vision d'une entreprise sans usines. 

L'exemple Alcatel

De 150.000 salariés et 120 sites industriels, le groupe ne compte plus que 30 sites industriels et 58.000 salariés deux ans plus tard...

Cette vision est un échec total. Outre le désastre social et en compétences, la firme perd de sa capacité à innover face à ses concurrents notamment chinois qui raflent alors des parts de marché.

Finalement racheté par le finlandais Nokia en 2016, l'équipementier télécoms sombre année après année, multiplie les plans sociaux alors que le marché de la 4G et de la 5G explose dans le monde...

Le modèle fabless, s'il a séduit les analystes financiers (moins d'usines égal moins de coûts donc plus de rentabilité) et dopé parfois et temporairement les cours de bourse des entreprises qui ont choisi ce modèle, a donc été désastreux en matière d'industrie. D'ailleurs, les géants asiatiques des technologies (Samsung, LG...) se sont bien gardés de se séparer de leurs usines...

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business