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Chimie: après Vencorex, Arkema vacille en Isère

L'usine du groupe chimique Arkema à Pierre-Bénite, près de Lyon, le 3 juin 2023

L'usine du groupe chimique Arkema à Pierre-Bénite, près de Lyon, le 3 juin 2023 - OLIVIER CHASSIGNOLE © 2019 AFP

D'après nos informations, la direction d'Arkema a présenté en CSE extraordinaire un plan de réorganisation de l'atelier de fabrication chlore/soude de Jarrie, en Isère.

Le secteur français de la chimie est en danger. Illustration en ce moment avec le cas de Vencorex: les 450 salariés de l'usine chimique de Pont-de-Claix, en Isère, sont toujours en grève. Toujours pas d'avancées dans ce dossier. L'entreprise a été placée en redressement judiciaire en septembre et une seule offre de reprise a été déposée, mais qui ne reprendrait que 25 salariés sur 465.

Et la situation se crispe sur les sites chimiques voisins, en particulier Arkema qui vient de présenter un plan de réorganisation de l'une de ses entités. À quelques encablures de l'usine de Vencorex, Arkema possède un atelier de fabrication chlore/soude qui est lui aussi en grève depuis plusieurs jours.

D'après nos informations, un plan de réorganisation a été présenté mardi en CSE extraordinaire. 120 salariés sont concernés. Un plan aux contours très flous. Aucun plan de sauvegarde de l'emploi n'a été évoqué, toutefois, explique-t-on à la CGT, la direction a souhaité imposer des congés aux salariés avant de finalement se rétracter car l'usine voisine de Framatome a des besoins immédiats.

Pour l'instant, c'est donc le statu quo. Arkema précise "adapter ses rythmes de production sans avoir recours pour le moment au chômage technique". Mais un proche du dossier s'interroge sur cette "réorganisation" de l'atelier alors qu'il a largement bénéficié de fonds publics pour voir le jour, soit 40 millions d'euros.

Relations "exécrables" entre Vencorex et Arkema

Cette "réorganisation" pourrait n'être qu'un début, puisque Arkema envisage plusieurs scénarios, dont celui d'une fermeture de son usine de Jarrie, au sud de Grenoble, en 2026 (dont l’atelier chlore/soude est un élément), un site qui emploie au total 340 salariés.

Arkema profiterait-il des difficultés de Vencorex pour déserter la zone? C'est ce que pensent les organisations syndicales. En effet, le second fournissait le premier en sels transformés dans l'usine de Jarrie. Sans cet approvisionnement, l'activité chlore/soude de l'usine d'Arkema aurait moins de sens.

Une autre source proche du dossier complète, expliquant que les relations entre Arkema et Vencorex sont "exécrables" depuis des mois. Une procédure de conciliation était d'ailleurs engagée entre les deux entreprises. Pourtant, les contrats d'approvisionnement en sel signés entre les deux entités étaient largement à l'avantage du chimiste français, "ils n'avaient jamais été renégociés", explique-t-on.

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Mais l'atelier chlore/soude de Jarrie ne semble pas (ou plus) indispensable. Certains rappellent cette petite phrase de Thierry Le Henaff, PDG d'Arkema, au sujet de la chimie du chlore, lors du conseil d'administration du 24 octobre: "c'est un business en perte de vitesse et qui n'a plus d'avenir".

Contacté par BFM Business, Arkema tient à apporter des précisions. Le groupe indique que le CSE extraordinaire était consacré à la "réallocation des stocks de sel". Par ailleurs, le groupe précise que le scénario de fermeture du site de Jarrie en 2026 "n'est pas envisagé à ce stade. Arkema met tout en œuvre pour préserver au maximum son site de Jarrie".

Enfin, concernant les contrats, Arkema indique que "le contrat sel, issu d’un accord de long terme entre les deux industriels" (Vencorex/Arkema), "est renégocié tous les 10 ans" et "que chacun y trouve son compte".

La CGT dénonce la gestion "lunaire" de l'État

Plus largement, la gestion politique du dossier Vencorex/Arkema est très critiquée par les syndicats de tout bords. Lors d'une entrevue à Bercy avec les syndicats Marc Ferracci avait proposé de faire une photo avec lui… Un geste très mal acceuilli.

"Nous sommes stupéfaits", explique-t-on à la CGT qui dénonce une gestion "lunaire". "Nous ne voulons pas être accompagnés vers le chômage!"

Même sentiment pour une source au cœur du dossier, qui observe un "État mou du genou" et qui regrette que la délégation interministérielle aux restructurations des entreprises ne reçoive peu ou pas de consignes des politiques. "Des gamins qui ne comprennent rien à l'industrie chimique", se désole une autre source syndicale.

Jean-Baptiste Huet Journaliste BFM Business