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Brexit: pourquoi les constructeurs automobiles demandent une révision de l'accord commercial

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Depuis l'entrée en vigueur de l'accord sur le Brexit, l'exemption de droits de douane sur un produit échangé entre le Royaume-Uni et l’Union européenne est conditionnée au respect des "règles d’origine". Des règles amenées à se durcir l'année prochaine, au grand dam des fabricants de véhicules électriques.

Près de trois ans après la signature d'un accord commercial entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, le Brexit continue de provoquer des remous. Cette fois, c'est Stellantis, maison mère de Fiat, Peugeot, Citroën et Opel/Vauxhall, qui a remis le dossier sur la table en menaçant mercredi de fermer des usines outre-Manche si Londres et Bruxelles ne rouvrent pas les discussions pour aménager le traité négocié dans la douleur en décembre 2020.

Le constructeur qui dispose de deux principaux sites outre-Manche se dit préoccupé par le durcissement des "règles d'origine" pour les fabricants de véhicules électriques à compter de 2024, comme le prévoit l'accord commercial post-Brexit.

45% des pièces originaires de l'UE ou du Royaume-Uni

Concrètement, ces règles techniques stipulent qu'une voiture exportée du Royaume-Uni vers l'Union européenne (ou inversement) peut être exemptée de droits de douane à condition que les fabricants soient en mesure de prouver qu'une part non négligeable des pièces composant le véhicule sont elles-mêmes originaires du Royaume-Uni ou de l'Union européenne.

Ce seuil est par exemple fixé à 55% pour les véhicules thermiques. Les fabricants de voitures électriques bénéficient eux d'une tolérance, le temps de constituer une filière de batteries en Europe. Actuellement, ils doivent prouver, documents à l'appui, que 40% de la valeur des pièces de leurs véhicules viennent d'outre-Manche ou du bloc des 27.

Mais ce seuil doit passer à 45% dès le 1er janvier prochain (puis à 55% en 2027). Problème: les batteries, qui peuvent parfois représenter jusqu'à la moitié du coût d'un véhicule, viennent encore essentiellement d'Asie, l'Europe n'ayant encore que très peu d'usines de fabrication en service sur son sol.

Les constructeurs européens rejoignent Stellantis

Résultat, les constructeurs européens et surtout britanniques -qui exportent 80% de leurs véhicules vers l'UE- ne parviendront sans doute pas à échapper aux droits de douanes. Si le coût de la fabrication de véhicules électriques au Royaume-Uni devient non compétitif et non durable", notamment par rapport aux voitures venues du Japon et de Corée du Sud ou fabriquées dans l'UE, les activités au Royaume-Uni "vont fermer", a mis en garde Stellantis, évoquant un risque de "désavantage concurrentiel majeur" sur les voitures électriques.

Le constructeur a précisé aux députés britanniques qu'il pensait initialement être en mesure de respecter la limite de 45% de pièces produits localement. Mais l'inflation a visiblement changé la donne.

"Les prix des matières premières qui ne sont pas originaires (de l'UE ou du Royaume-Uni) augmentent considérablement, de sorte que nous sommes désormais incapables de respecter ces règles d'origine", a reconnu le groupe automobile.

Les constructeurs allemands lui ont emboîté le pas. Dans un communiqué publié jeudi, la VDA (Union de l'industrie automobile allemande) qui regroupe BMW, Mercedes-Benz, Porsche ou encore Volkswagen a estimé qu'il était "maintenant urgent d'ajuster" l'accord sur le Brexit car les tarifs douaniers représenteraient "un désavantage concurrentiel important pour l'industrie automobile européenne par rapport à ses concurrents asiatiques sur le si important marché britannique", ajoutant que les droits de douanes ralentirait par ailleurs la transition du thermique vers l'électrique.

Les constructeurs en appellent à la Commission européenne

Même constat du côté de l'Association des constructeurs européens d'automobiles (Acea) qui demande "à la Commission européenne de prolonger la prériode d'application progressive des règles d'origine pour les batteries au-delà de janvier 2024, car la mise en place d'une chaîne d'approvisionnement de batteries entièrement intégrée en Europe ne va tout simplement pas assez vite pour rester en ligne avec des règles plus contraignantes".

Qualifiant le timing des règles actuelles d'"irréaliste et contre-productif", Jaguar Land Rover a formulé la même requête. Ford a également appelé à un report en 2027 et affirmé que le passage à 45% du seuil des règles d'origine ajouterait "un coût inutile aux clients souhaitant passer au vert".

"Les tarifs toucheront à la fois les fabricants basés au Royaume-Uni et dans l'UE. Il est donc vital que le Royaume-Uni et l'UE se réunissent pour trouver une solution", a poursuivi le constructeur américain.

Le Royaume-Uni prêt à assouplir les règles

Depuis le sommet du G7 au Japon, le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, a assuré jeudi que le Royaume-Uni était prêt à rouvrir les discussions sur l'accord commercial avec l'UE pour donner davantage de temps aux constructeurs automobiles. Les règles d'origine sont "un problème que les constructeurs automobiles à travers l'Europe, pas seulement au Royaume-Uni, ont soulevé", a-t-il déclaré auprès de Bloomberg.

"Nous sommes engagés dans un dialogue avec l'UE sur la manière dont nous pourrions répondre à ces préoccupations, en ce qui concerne la production automobile en général", a ajouté le dirigeant conservateur.
https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco