BFM Business
Industries

Avions: le petit poucet Embraer monte en puissance face à Airbus et Boeing

placeholder video
Le constructeur brésilien entend bien chatouiller le duopole Airbus-Boeing alors que la demande en avions neufs n'a jamais été forte et que les délais de livraison s'emballent. Mais il lui faudra changer d'échelle.

D'un côté, le trafic aérien ne cesse de progresser dans le monde et la demande en avions neufs des compagnies aériennes est massive avec des contrats portant sur des centaines d'exemplaires. De l'autre, les avionneurs peinent à monter en cadence, surtout du côté de Boeing qui a traversé une année 2024 catastrophique.

Pour de nombreuses grandes compagnies, les retards de livraison dus à ces problèmes de production, sont de moins en moins acceptés. Elles attendent en effet 5,2 milliards de passagers en 2025, un nouveau record.

"Cette situation nous mécontente, voire nous met en colère, parce que cela n'a que trop duré. Les avions ne sont pas livrés à temps, ce qui provoque beaucoup de problèmes pour notre secteur. C'est très décevant, nous espérions que les grands acteurs auraient résolu ces problèmes à l'heure actuelle", assénait en décembre dernier, Willie Walsh, directeur général de l'Association internationale du transport aérien (Iata).

Les opérateurs commencent sérieusement à chercher des alternatives. Il y a le chinois Comac qui propose notamment son moyen courrier C919. Mais ce dernier n'est pas encore certifié en Europe et aux États-Unis (même si la certification pourrait intervenir cette année). Et l'industrie aéronautique chinoise suscite encore la méfiance.

John Kirby, le patron du géant américain United a ainsi jugé "peu probable" que Comac compense à court terme les difficultés d'Airbus et Boeing.

Les regards se tournent également vers le brésilien Embraer qui équipe des géants comme Alaska Airlines, Air France ou British Airways. Le constructeur entend bien profiter de ces difficultés pour tirer son épingle du jeu dans le court-moyen courrier régional avec le Embraer 190, un mono-couloir d'une centaine de places environ qui concurrence l’A220 d’Airbus (le plus petit appareil de sa gamme) et le Boeing 737-7.

Des revenus en hausse de 21%

L'avionneur monte ainsi en puissance. Il annonce pour 2024 un chiffre d'affaires record de 6,395 milliards de dollars, en augmentation annuelle de 21%. Il a livré 73 avions contre 64 un an plus tôt. Désormais, il vise 77 à 85 avions commerciaux livrés cette année avec un carnet de commandes qui se remplit à bon rythme, notamment du côté d'All Nippon Airways.

Évidemment, on est très loin des 820 livraisons visées par Airbus cette année contre 766 en 2024. Mais le Brésilien sait qu'il a une carte à jouer car il est capable de livrer bien plus rapidement ses appareils.

Mais pour venir chatouiller le duopole Airbus-Boeing, il lui faudra également changer d'échelle en produisant des appareils plus gros. Outre son développement qui prendra du temps, il faudra passer les étapes de tests et de certifications qui, compte tenu du contexte actuel, risquent d'être plus sévères que jamais.

Difficile donc de répondre immédiatement à l'appétit gargantuesque des compagnies. "Nous avons les capacités de faire un avion plus grand", a ainsi déclaré Francisco Gomes Neto, le patron d’Embraer. "Mais à ce stade, nous n'avons pas de plans concrets. Nous nous concentrons vraiment sur la vente des produits que nous avons", a-t-il néanmoins ajouté.

La possibilité d'un accord entre Boeing et Embraer sur les avions commerciaux avait été annoncée en 2018, le premier rachetant 80% de la division d’aéronautique civile du second. Mais les négociations ont capoté et Boeing a dû verser 150 millions de dollars au brésilien.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business