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"Cela n'a que trop duré": les retards de livraisons de Boeing et Airbus mettent en colère les compagnies aériennes

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Willie Walsh, directeur général de l'Association internationale du transport aérien (Iata) n'en peut plus des retards de livraisons d'avions neufs, de moteurs, de pièces détachées alors que le trafic ne cesse de progresser.

Tout le secteur en prend pour son grade. Dans un entretien accordé à l'AFP, Willie Walsh, directeur général de l'Association internationale du transport aérien (Iata), le lobby qui représente les compagnies aériennes, attaque vertement les industriels sur le sujet des retards de livraison.

"Cette situation nous mécontente, voire nous met en colère, parce que cela n'a que trop duré. Les avions ne sont pas livrés à temps, ce qui provoque beaucoup de problèmes pour notre secteur. Nous ne voyons pas de retour à la normale post-pandémie, c'est très décevant, nous espérions que les grands acteurs auraient résolu ces problèmes à l'heure actuelle", commence-t-il.

Avant de détailler ses attaques. "Et ce n'est pas seulement dû à Boeing, qui a eu sa part de problèmes: Airbus n'a pas livré ses avions à temps. Quant aux fabricants de moteurs, ils ont été, je trouve, particulièrement mauvais. Ce n'est pas seulement une question de fiabilité des moteurs, comme les Pratt GTF (équipant entre autres les Airbus A220, NDLR). Il y a environ 700 avions cloués au sol à cause de cela. Mais la robustesse de ces moteurs, de cette nouvelle technologie, n'est pas à la hauteur des espérances et nous voyons des moteurs partir en entretien bien plus tôt qu'attendu".

"Pas à la hauteur"

"Ces grands fabricants devraient mieux faire. Ils continuent à bien se porter d'un point de vue économique, mais ils transfèrent une énorme charge sur les compagnies aériennes. Nous voulons qu'ils se ressaisissent, ou nous allons devoir considérer d'autres options. Les compagnies ne peuvent pas continuer à supporter les coûts importants liés à ces perturbations", assène-t-il.

Il faut dire que les grandes compagnies mondiales se sont lancées dans un renouvellement effréné de leurs flottes. Pour des raisons écologiques, car les appareils de dernière génération sont bien plus sobres en carburant, mais aussi pour accompagner un trafic en croissance, notamment depuis l'Asie.

Les compagnies aériennes attendent en effet 5,2 milliards de passagers en 2025, un nouveau record.

Or, comme l'observe Willie Walsh, l'industrie a bien du mal à délivrer. Boeing, on le sait est empêtré dans ses problèmes de qualité de production et est en train de revoir toutes ses procédures. Sans oublier une grève massive sur ses chaînes de production alors que son carnet de commandes pour le 737 Max est plein à craquer (4.200 unités à livrer dans les prochaines années).

Boeing a ainsi livré 13 avions commerciaux en novembre, soit moins d'un quart des 56 avions de ligne qu'il a livrés à ses clients 12 mois plus tôt, a annoncé mardi le constructeur aéronautique américain.

Safran priorise Airbus

Du côté d'Airbus, les problèmes dans la chaîne d'approvisionnement ont perduré cette année et l'avionneur devra cravacher sur le dernier mois de l'année pour tenir ses objectifs d'"autour" de 770 unités livrées en 2024. Entre le 1er janvier et le 30 novembre, Airbus a livré 643 avions à 82 clients.

Enfin, chez Safran qui fabrique des moteurs pour les avionneurs et qui les entretient pour les compagnies, on reconnaît que les objectifs de l'année ne seront pas tenus. Selon Olivier Andriès, directeur général de l'industriel, les livraisons seront 10% inférieures à l'an passé. De quoi créer certaines tensions avec Airbus.

"Nos clients avionneurs ont des ambitions de montée en cadence qu'ils nous faut suivre et des clients compagnies aériennes qui ont besoin de moteurs. On a un marché de l'équipement neuf et de maintenance. La réalité, c'est qu'on a été confrontés à des goulets d'étranglement sur certaines pièces. On a été amenés à revoir à la baisse nos prévisions de livraisons de moteurs neufs ", explique-t-il ce lundi 9 décembre sur BFM Business.

Preuve que la situation est délicate, Safran a décidé de "prioriser un peu Airbus par rapport aux besoins des compagnies aériennes (en maintenance, NDLR) pour soutenir la capacité d'Airbus à livrer les avions d'ici à la fin de l'année". Ce qui n'arrange pas les affaires des transporteurs.

Olivier Chicheportiche avec AFP