Avions de combat: en Suisse, l’initiative contre les F-35 va-t-elle faire tomber le contrat ?

Un F-35 en essai sur la base aérienne de Payerne, près de Neuchâtel - Fabrice COFFRINI
Le contrat suisse de 6 milliards de francs (5,7 milliards d'euros) pour 36 avions de combat F-35 devient comme un caillou dans la chaussure du Conseil Fédéral et plus particulièrement pour la ministre de la Défense Viola Amherd.
Ce marché approuvé à seulement 50,1% a été conclu en raison d'un coût inférieur par rapport à celui proposé par la France pour des Rafale. Mais, contesté par l’opinion publique, le dossier a été transmis au Parlement pour valider des crédits de qui atteindront au total 9,3 milliards de francs (8,8 milliards d'euros) en raison de dépenses annexes liées à ce contrat. Un montant plus élevé de 35 millions de francs que la somme annoncée en votation.
En plus des F-35, la Suisse veut faire l'acquisition d'un système de défense sol-air "Patriot" pour 1,987 milliard de francs (1,89 milliard d'euros) et doit construire ou acquérir des bâtiments pour accueillir les appareils, des simulateurs, les missiles Patriot, soit près de 200 millions de francs (191 millions d'euros).
Pour faire accepter ce dépassement, Viola Amherd maintient que le "montant est inférieur au volume financier maximal approuvé par le peuple", rapporte Le Temps qui explique que "ce calcul se base sur l’indice des prix à la consommation de janvier 2018 et, compte tenu des prévisions actuelles sur l’inflation, la somme s’inscrit dans les dépassements planifiés".
Le gouvernement évoque aussi des retombées économiques de 4,2 milliards pour l’industrie suisse. Mais selon le site spécialisé Journal de l'Aviation, une partie des 36 futurs F-35 sera produite en Italie où se trouve l'une des deux lignes de production du F-35 hors des États-Unis et la seule en Europe.
"Stop F-35"
Mais la ministre craint avant tout l'initiative "Stop F-35" lancée par les opposants à ce contrat dont l'objectif est de "faire tomber cet avion de combat de luxe dans les urnes!". Cette pétition a recueilli plus de 80.000 signatures. Il en faut 100.000 pour lancer une nouvelle votation.
"Le F-35 est totalement inadapté et coûte beaucoup trop cher. Il a été développé uniquement pour des guerres d’agression. Le bombardier furtif est massivement surdimensionné pour les missions de police aérienne", estime ces opposants
Ils estiment même que l'appareil américain pourrait finalement coûter 25 milliards de francs sur 30 ans en raison des coûts d’utilisation, de maintenance, des corrections de défauts et des mises à jour. De plus, les opposants au projet s’inquiètent pour la souverainement de leur pays.
"Acheter le F-35 reviendrait à rendre la Suisse dépendante des Etats-Unis à un degré intenable sur les plans industriels et de la politique de sécurité", estime le collectif.
Malgré tout, Viola Amherd ne lâche rien en rappelant que la Suisse a "besoin de ces avions". Le Temps rapporte néanmoins que la ministre confirme que le "contrat ne sera (pas) signé avant un échec de l’initiative".
Des conséquences désastreuses
Si tel est le cas, les conséquences pourraient être lourdes pour l'armée suisse qui doit remplacer dès 2030 une partie d'une flotte composée de 25 F-5 Tiger et les 30 F/A-18 Hornet. Toujours selon Le Temps, la survie de la Patrouille suisse serait en jeu. "Nous attendrons 2025 pour voir si nous continuons, et comment", a déclaré Viola Amherd au sujet de cette escadrille de démonstration qui doit fêter son 60ème anniversaire en 2024.
En France, le contrat entre la Suisse et les Etats-Unis a refroidi les relations entre Paris et Berne. Selon un media suisse, Republik, la Suisse continuait de discuter des sous-contrats avec la France en laissant entendre qu'elle signerait avec Dassault. Cette méthode aurait été perçue par la France comme un affront.
Si le contrat F-35 est rejeté par une votation, les Suisses pourraient-ils revenir vers les Rafale? Éric Trappier, PDG de Dassault Aviation, n'évoque pas cette option mais reste attentif aux décisions prises par le Parlement helvétique.
Sur BFM Business, il rappelle que les contrats signés ces derniers mois, notamment avec les Emirats Arabes Unis et l'Indonésie avec respectivement 80 et 42 appareils, mettent ses lignes de production sous pression. Une manière de laisser entendre qu'avec un carnet de commande bien rempli, il sera compliqué de fournir des Rafale avant 2030 si le gouvernement devait, à la hâte, changer son fusil d'épaule.
En novembre dernier, le secrétaire général suppléant du Département fédéral de la défense (DDPS) Marc Siegenthaler faisait un aveu: "Nous n'avons pas de plan B si l'initiative devait être acceptée".
