Après les mauvais résultats financiers de 2019, Renault n'exclut pas de fermer des usines

Renault va-t-il fermer des usines pour faire des économies? Ce vendredi, la directrice générale par intérim Clotilde Delbos a expliqué que le groupe n’avait "aucun tabou" quant à de possibles fermetures de sites. A la suite de ses premières pertes financières en dix ans, un plan de deux milliards d'euros d'économies va être lancé en mai. La direction passe actuellement en revue les activités du groupe, des hypothèses sont à l’étude mais Clotilde Delbos s’est refusé vendredi à entrer dans le détail.
Des organisations syndicales inquiètes
Cessions d’actifs comme la participation dans Daimler, économies à réaliser en R&D, la fermeture de sites n’est pas la seule piste étudiée par le constructeur. Les usines françaises ne sont cependant par épargnées par la réflexion sur les capacités industrielles.Les organisations syndicales se montrent inquiètes, comme à Cléon (Seine-Maritime), où le constructeur français emploie 3345 salariés.
"Je veux rappeler que Renault a fait 10 milliards d’euros de bénéfices ces quatre dernières années, explique à BFMTV Pascal Le Manach, délégué syndical CGT à Cléon. C’est une blague de faire croire que Renault est dans une situation catastrophique. La preuve: les actionnaires vont toucher 300 millions d’euros de dividendes".
"Les restructurations sont déjà réelles depuis une quinzaine d'années", déplorait déjà vendredi sur France Inter Fabien Gâche, délégué central CGT. "Depuis 2004, on a perdu 25.000 personnes dans les usines françaises."
Les salariés n’ont "jamais eu la moindre information sur les difficultés de l’entreprise", confiaient sur Europe 1 des représentants de la CFDT.
Douze usines mais peu de best-sellers produits en France
Renault possède au total quarante usines dans le monde dont douze situées en France. Six sites conçoivent des pièces et organes (boites de vitesse, moteurs) et six assemblent des véhicules. Mais elles ne produisent que peu de modèles best-sellers, en dehors des véhicules utilitaires, comme les Clio et Captur. Alors qu’elle était encore en partie assemblée dans l’usine de Flins (Yvelines), la petite compacte est désormais totalement produite en Turquie, à Bursa. Le SUV urbain est lui fabriqué à Valladolid en Espagne.
"Ces usines fonctionnent à 130 % de leurs capacités, alors qu'en France elles stagnent au mieux à 50 %, s’insurgeait dans Le Parisien Fabien Gâche. "En 2004, l'hexagone produisait encore sur son territoire 53 % des véhicules qu'il vendait. Cette part est aujourd'hui de 17 %. Résultat, d'ici 2021, Renault ne fabriquera plus aucun véhicule français en dehors des quelques dizaines de milliers d'exemplaires d’électrique."
Les modèles Dacia sont eux assemblés en Roumanie et au Maroc.
Le haut de gamme est en revanche produit en France dans l’usine de Douai (Nord), mais les Talisman et Espace ne se vendent pas. Comme le rappelle la Voix du Nord, si le site peut produire 160.000 voitures par an, 80.000 seulement sont sorties des chaînes l’an dernier. Deux nouveaux véhicules ont cependant été promis en 2022 à l’usine de Douai, qui doit aussi produire un modèle électrique sur la toute nouvelle plateforme développée au sein de l'Alliance.
L'usine de Dieppe (Seine-Maritime) qui produit les Alpine et modèles Renault Sport n'est pas en grande forme. Le rythme de la production a été divisé par deux le mois dernier. Alpine e prévoit pas de sortir de nouveaux modèles pour le moment, et la Clio RS ne devrait pas être renouvelée avec la nouvelle Clio.
Dans les Yvelines, à Flins, la situation est aussi en demi-teinte. Les ventes de la Zoé, la citadine électrique, ont progressé l’an dernier comme depuis le début de l’année. Mais la Nissan Micra aussi produite à Flins ne se vend pas. La CFDT a demandé une expertise économique du site, rapporte Les Echos. Le syndicat s'inquiétait de ce qu'il considère comme un manque d'investissements. "Les résultats sont très encourageants, il y a un avenir pour le site", conclue dans le quotidien économique Franck Daout, le délégué central du syndicat.
Des capacités industrielles à redéfinir aussi avec Nissan
Nissan fera clairement partie de l’équation quant à l’avenir des usines Renault, tout comme Mitsubishi, le troisième partenaire de l’Alliance. De plus en plus de modèles sont en effet fabriqués par le site d’un autre partenaire. L’usine de Sandouville (Seine-Maritime) assemblera par exemple bientôt un utilitaire Mitsubishi cousin du Renault Trafic.
Clotilde Delbos avait reconnu vendredi que Renault et son allié japonais Nissan disposaient de capacités de production excédentaires, vu les ventes enregistrées l'an dernier. Des questions se posent par exemple quand à l'usine anglaise de Sunderlnd, détenu par Nissan. Selon les conditions du Brexit, qu'arrivera-t-il à cette usine? Les Echos croient eux savoir que l'usine Renault de Wuhan, en Chine, pourrait être menacée. Elle produit des Koleos et Kadjar, des SUV au succès très relatifs dans le pays. Le site de Barcelone qui assemble notamment des vans pour Nissan semble en mauvaise passe. 38.000 véhicules seulement sont sortis des chaînes l'année dernière, selon des données de IHS.
Le président de l’Alliance Jean-Dominique Senard et les nouvelles directions de Renault et Nissan mettent actuellement en place un nouveau mode de fonctionnement pour l’attelage franco-japonais. Cette nouvelle organisation doit accroître les synergies entre les deux groupes, les économies, et potentiellement mieux répartir les volumes entre les usines des deux partenaires.
Cette nouvelle stratégie ne portera cependant pas ses fruits immédiatement. Or la direction de Renault veut lancer rapidement son plan d’économies. Les détails doivent être donnés en mai, avant même l’arrivée du nouveau directeur général, Luca de Meo, le 1er juillet. Clotilde Delbos le confiait ce vendredi sur BFM Business: elle espère pouvoir aussi donner des précisions en mai sur le nouveau fonctionnement de l’Alliance.