TOUT COMPRENDRE - Nucléaire: malgré les retards et les surcoûts, la France va construire de nouveaux EPR

Cette fois, ils verront bien le jour. Après une décennie d'hésitation politique, Emmanuel Macron a annoncé la construction de réacteurs nouvelle génération pour assurer la transition énergétique de la France.
• Qu'est-ce qu'un réacteur EPR?
L'EPR (European Pressurized Reactor, réacteur pressurisé européen en français) est un réacteur nucléaire de troisième génération, conçu dans les années 1990 par une association entre le français Framatome (filiale d'EDF) et l'allemand Siemens. L'idée était de tirer les leçons des centrales en service en Europe et dans le reste du monde pour mieux les améliorer.
Si le principe reste le même, l'EPR promet d'être plus efficace et surtout plus sûr, après les accidents de Three Mile Island, aux États-Unis, en 1979, et de Tchernobyl, en Ukraine, en 1986.
Mais à la fin des années 1990, l'Allemagne amorce sa sortie du nucléaire. L'EPR devient alors franco-français et est renommé "Evolutionary Pressurized Reactor".
Concrètement, l'EPR permet un meilleur rendement, une puissance plus importante (1650 MWe contre 900 à 1450 MWe pour les réacteurs en service), une réduction des déchets et une sécurité accrue. Mais il s'agit d'une évolution des centrales précédentes et non un réacteur révolutionnaire. La technologie, qui consiste à faire chauffer de l'eau pour faire tourner une turbine reste la même.
• Un EPR est-il déjà en service?
Deux réacteurs EPR ont été mis en service en 2018 et 2019 en Chine à Taishan. Le chantier, débuté en 2009, a donc pris une dizaine d'années. Ils ont été construits par TNPJVC, une joint-venture qui a associé des groupes chinois à EDF.
D'autres chantiers sont toujours en cours: évidemment Flamanville en France mais aussi Hinkley Point C au Royaume-Uni et Olkiluoto 3 en Finlande. L'EPR étant une technologie française, tous ces chantiers sont cogérés par EDF ou Areva S.A.
D'autres projets sont encore à l'étude. Au Royaume-Uni, EDF négocie la construction de deux autres réacteurs à Sizewell, dans l'est du pays. Surtout, l'énergéticien français finalise un contrat de six EPR sur le site de Jaitapur, dans l'ouest de l'Inde.
• Pourquoi l'EPR de Flamanville n'est-il toujours pas en service?
Le développement de l'EPR, s'il a fini par accoucher d'un projet finalisé en Chine, ressemble à un véritable fiasco industriel. Pour le réacteur de Flamanville, le seul en construction en France, le retard de livraison dépasse les dix ans et sa mise en service n'est pas attendue avant, au mieux, fin 2022. Surtout, le chantier aura coûté près de 20 milliards d'euros, soit six fois plus que prévu. Les autres EPR (Hinkley Point et Olkiluoto) accusent aussi des retards et des surcoûts.
Ces déboires s'expliquent par de nombreuses raisons, à commencer par la concurrence historique entre les deux groupes publics EDF et Areva. Le premier s'est lancé dans Flamanville tandis que le second s'occupait des EPR à l'international.
"Cette course entre les deux entreprises françaises a conduit au lancement précipité des chantiers de construction des deux premiers EPR, sur la base de références techniques erronées et d’études détaillées insuffisante" tranchait un rapport de la Cour des comptes. "La filière nucléaire a fait preuve d’une trop grande confiance en elle, inspirée par la construction et l’exploitation réussies d’un parc de 58 réacteurs."
Les difficultés ont au moins permis d'identifier les manques et les nouvelles contraintes des réacteurs. En parallèle, Areva a disparu (à l'exception d'une entité qui gère encore le chantier finlandais) tandis que EDF a lancé son plan Excell pour remettre à jour les compétences perdues dans la filière.
• Existe-t-il toujours des doutes autour de l'EPR?
Il existe, en tout cas, de nombreuses questions de coûts, de rentabilité et même de sécurité. En juin dernier, un incident a été signalé sur un des réacteurs de Taishan. Les autorités avaient écarté tout danger mais cela a fini par entraîner l'arrêt du réacteur.
Fin octobre, le site Contexte dévoilait un document de travail de l'exécutif français prévoyait déjà des retards et des surcoûts pour les futurs EPR français: la première mise en service aurait lieu en 2040 (contre 2035 selon les recommandations de RTE) tandis que le coût total de six réacteurs passerait de 46 milliards d’euros à une fourchette entre 52 et 57 milliards dans un scénario de "bonne maîtrise industrielle."
• Combien la France veut-elle installer d'EPR?
Pour le moment, l'exécutif n'a donné aucun chiffre mais les scénarios de RTE pour la décarbonation de la France d'ici 2050 tablent principalement sur une fourchette allant de 8 à 14 réacteurs. Cela dépendra finalement du choix du mix énergétique, qui sera probablement dominé d'ici là par les énergies renouvelables. 14 réacteurs EPR produiront 23 GW soit 20% de la production d'énergie attendue pour 2050.
• Où seront installés ces nouveaux réacteurs?
Ce mercredi, EDF a annoncé le premier site pour la construction d'un nouveau réacteur EPR: il s'agit du site de Penly en Seine-Maritime, au nord de Dieppe. Ce site, accueille déjà deux réacteurs classiques. Il a été sélectionné dès 2008 pour la construction d'un nouvel EPR en France avant que le projet ne soit gelé par François Hollande. Parmi les autres sites pressentis se trouvent Gravelines (Hauts-de-France).