Prolongation de la durée d'exploitation des centrales nucléaires: l'Allemagne sur le point de trancher

Berlin doit décider ce lundi l'éventuelle prolongation de la durée d'exploitation de ses centrales nucléaires, ce qui constituerait un revirement politique important, en particulier pour les Verts au pouvoir, provoqué par la crise énergétique. L'Allemagne, qui comptait jusqu'ici dire adieu à ses trois centrales encore en activité à la fin de cette année, pourrait se voir contrainte de repousser cette décision, selon plusieurs médias.
Le ministre de l'Economie, l'écologiste Robert Habeck va présenter ce lundi en fin d'après-midi les résultats d'une expertise, baptisée "stress-test", menée par les quatre gestionnaires du réseau allemand d'électricité, 50Herz Transmission, Amprion, TenneT TSO et TransnetBW. Une éventuelle prolongation pourrait être annoncée dans la foulée.
Une décision de sortie du nucléaire qui remonte à 2011
Début août, le chancelier Olaf Scholz avait préparé le terrain auprès d'une population traditionnellement peu favorable au nucléaire:
Cela "peut quand même avoir du sens" de ne pas couper du réseau les dernières centrales du pays, avait-il estimé.
Un choix néanmoins difficile, particulièrement pour les écologistes membres de la coalition au pouvoir et opposants déterminés au nucléaire depuis la création du parti il y a plus de 40 ans. D'autant plus que la décision initiale de sortir de l'atome avait été prise par le gouvernement de la chancelière conservatrice Angela Merkel en 2011, après la catastrophe de Fukushima au Japon.
Des centrales qui comptent pour 6% de la production d'électricité allemande
Un premier test en mars avait conclu que les trois centrales nucléaires encore en activité en Allemagne n'étaient pas nécessaires pour assurer la sécurité énergétique de la première économie européenne. Celles-ci produisent actuellement 6% de la production nette d'électricité en Allemagne.
Mais depuis, la situation s'est corsée. Se fondant sur des sources bien informées, le quotidien économique allemand Handelsblatt affirmait vendredi qu'il paraissait sensé de ne pas débrancher deux des trois centrales encore en activité. Dans le viseur du gouvernement, Isar 2 (près de Munich) et Neckarwestheim 2 (située dans le Bade-Wurtemberg, sud-ouest).
"Il semble qu'on ne puisse pas faire autrement", indiquait un haut-fonctionnaire allemand, cité anonymement dans le Handelsblatt.
Le charbon comme alternative prisée
Le ministre des Finances, le libéral Christian Lindner, plaide lui pour prolonger les trois centrales au moins jusqu'en 2024, a révélé lundi après-midi le quotidien Süddeutsche Zeitung. Face à la menace d'une pénurie d'énergie cet hiver, le gouvernement allemand a déjà décidé d'un recours accru au charbon, une énergie particulièrement polluante.
La semaine dernière, le géant russe Gazprom a annoncé que son gazoduc Nord Stream reliant la Russie au nord de l'Allemagne et qui devait reprendre du service samedi après une maintenance, serait finalement "complètement" arrêté jusqu'à la réparation d'une turbine de ce pipeline vital pour l'approvisionnement des Européens.
L'Allemagne passera l'hiver
Dimanche, le chancelier Scholz s'est voulu rassurant: l'Allemagne "pourra faire face à cet hiver" et assurer son approvisionnement énergétique en dépit du tarissement des livraisons de gaz russe dont son économie est fortement dépendante, avait-il affirmé. Mais il a également souligné que des changements au niveau européen sur le marché de l'électricité étaient nécessaires.
Comme dans d'autres pays de l'UE, la hausse des prix nourrit l'inquiétude de la population et les appels à manifester, essentiellement à l'initiative de l'extrême droite ou de l'extrême gauche, inquiètent le gouvernement.
Près de 100 milliards d'euros d'aides au pouvoir d'achat outre-Rhin
Depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine, fin février, le gouvernement d'Olaf Scholz a débloqué des aides massives en faveur du pouvoir d'achat. Dimanche il a annoncé qu'il allait débloquer 65 milliards d'euros, après avoir auparavant débloqué deux trains d'aides totalisant quelque 30 milliards d'euros.
L'Allemagne n'est pas le seul pays à réévaluer sa position sur l'énergie nucléaire après l'invasion russe de l'Ukraine. Fin août, le Premier ministre japonais Fumio Kishida avait annoncé qu'une réflexion allait être lancée sur la construction éventuelle de "réacteurs nucléaires de nouvelle génération, dotés de nouveaux mécanismes de sécurité".