Macron avait promis 1 million de pompes à chaleur "made in France": on en est où un an après alors qu'un fabricant annonce des licenciements?

Un coup dur pour la filière française de production de pompes à chaleur. Mardi, le chauffagiste BDR Thermea a annoncé qu'il envisageait de supprimer pas moins de 370 emplois dans le cadre d'une réorganisation pour redresser l'activité de sa filiale française qui a essuyé des "pertes considérables".
Le groupe, qui emploie au total environ 7.000 personnes et travaille dans le monde entier, a annoncé à ses comités sociaux et économiques (CSE) européens et français un plan stratégique destiné à redresser la situation "particulièrement préoccupante" de BDR Thermea France.
Ses activités de production vont être regroupées sur "un nombre de sites plus restreint", "ce qui pourrait mener à la cessation progressive de la production en France au cours des deux prochaines années". L'essentiel des suppressions de postes envisagées jusqu'à mi-2027, soit environ 320, concerne le site de Mertzwiller (Bas-Rhin), berceau de De Dietrich, marque emblématique du groupe. BDR Thermea envisage à terme la vente de deux sites de production de radiateurs dont un situé en France, à La-Chartre-sur-le-Loir, et indique que "la recherche d'acheteurs potentiels a déjà démarré".
"Intensification de la concurrence" et "consolidation des groupes européens"
BDR Thermea France, dont les pompes à chaleur représentent une "part importante" de l'activité, explique avoir souffert d'un "contexte difficile". "Les solutions de chauffage traditionnelles ont progressivement perdu en attractivité ou été interdites au fil des évolutions réglementaires, explique le chauffagiste. Pour soutenir la transition énergétique, le secteur a massivement investi dans le développement de pompes à chaleur, des dispositifs plus verts et à fort potentiel."
"La mise en œuvre de la transition énergétique ne progresse pas aussi vite que prévu et, en raison d'un contexte économique compliqué, le marché des pompes à chaleur s'est effondré en France et en Europe au cours des dernières années."
"Cette baisse drastique s'est accompagnée d'une intensification de la concurrence avec l'arrivée de nouveaux acteurs, notamment asiatiques, ainsi que d'une vague de consolidation des groupes européens, tirant les prix vers le bas".
"Cette entreprise a d'une manière indirecte bénéficié d'aides publiques à travers le crédit d'impôt, lorsqu'il était question pour les citoyens français d'investir dans des pompes à chaleur", a déploré Eric Borzic, secrétaire général de l'Union Départementale des syndicats Force Ouvrière du Bas-Rhin. "Aujourd'hui l'Etat fait des économies et c'est une fois de plus aux salariés du site de Mertzwiller à payer l'addition", a-t-il poursuivi.
Le crédit d'impôt investissement industrie verte pour encourager l'implantation d'usines de production
Le 15 avril 2024, Bruno Le Maire et Roland Lescure, alors respectivement patron de Bercy et ministre délégué chargé de l'Industrie et de l'Energie, avait dévoilé un plan d'action pour produire 1 million de pompes à chaleur dès 2027. L'objectif : "décarboner les bâtiments et l'industrie en stimulant l'offre et en consolidant la dynamique de déploiement de cette technologie" alors que le chauffage des bâtiments a encore largement recours à la consommation de combustible fossile. Emmanuel Macron reprenait cet objectif à son compte pour viser une baisse de 55% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030.
Pour cela, ce sont 5 milliards d’euros d’investissements et ainsi que 50.000 recrutements qui sont nécessaires d’ici 2030, d’après les projections de l’Uniclima (le syndicat professionnel des industries thermiques, aérauliques et frigorifiques) et de l’Afpac (Association française pour la pompe à chaleur).
Le gouvernement avait décliné son plan d'action en huit mesures. Parmi celles-ci figurait l'émergence de nouvelles usines de production grâce à la prise en charge d'une part importante des coûts d'investissement, à travers le jeune crédit d'impôt investissement industrie verte (C3IV).
Bercy prévoyait également de réorienter la commande publique et les aides publiques vers les pompes à chaleur françaises et européennes avec les meilleures performances environnementales. Mais aussi la simplification des normes pour faciliter l'installation de pompes à chaleur dans l'habitat collectif ou encore ou encore l'accompagnement de la montée en puissance des métiers de la filière.
Les chaudières à gaz préférées alors qu'elles sont moins rentables à long terme
Mais le plan d'action tarde à produire ses effets par rapport à l'horizon fixé de 2027. L'année dernière, la vente de pompes à chaleur a baissé de 30% quand les installations de chaudières à gaz ont augmenté de 15% selon la Fédération française du bâtiment.
Désormais, l’objectif du million de pompes produites en France paraît totalement irréalisable, le pays en a péniblement fabriqué 170.000 en 2024.
En cause, un coût d'investissement généralement moindre pour les chaudières à gaz alors que la pompe à chaleur est en réalité plus rentable à long terme. Elle l'est d'autant plus en 2025 que le tarif réglementé de vente de l'électricité a baissé d'environ 15% le 1er février dernier alors que les prix du gaz sont orientés à la hausse. De plus, la TVA sur les chaudières à gaz passe de 5,5% à 10%.
"La pompe à chaleur est le mode de chauffage le plus avantageux, sur le plan environnemental, mais aussi économique", résume la start-up Hello Watt.
Malgré un coût initial plus élevé, une pompe à chaleur offre un meilleur retour sur investissement car elle produit plus d’énergie qu’elle n’en consomme et ce, quelque soit le niveau de revenus et donc les aides perçues. "Une PAC air-air consomme environ trois fois moins d'électricité qu’un radiateur électrique classique pour la même quantité de chaleur, estime Hello Watt. Une PAC air-eau, lorsqu’elle est bien dimensionnée, utilise trois fois moins de kWh d’énergie qu’une chaudière à gaz pour une énergie de chauffage équivalente."
Le problème des pompes à chaleur est avant tout conjoncturel. Pour les Français qui s’étaient fortement équipés en sortie de Covid, ce n’était plus la priorité avec l’inflation. La filière espère qu'avec le rebond de l'immobilier, le secteur reparte enfin.