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Les périodes de prix négatifs de l'électricité se multiplient en Europe mais cela ne fait pas forcément baisser les factures

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Le nombre d'heures de prix négatifs de l'électricité a doublé en Espagne cette année. Cette tendance concerne également la France, où les prix ont été inférieurs à zéro 8% du temps au premier semestre.

Les périodes de prix négatifs de l'électricité explosent en Europe. Plus de 500 heures ont déjà été enregistrées en Espagne cette année, soit deux fois plus que le total observé lors de toute l'année 2024, rapporte Bloomberg. Cette tendance touche également l'Allemagne (451 heures) et la France (436 heures), où le phénomène est en augmentation. Dans l'Hexagone, les prix ont été négatifs 8% du temps au premier semestre 2025. Il s'agit d'une situation inédite.

"Les heures à prix négatifs n’avaient jamais représenté plus de 102 heures par an jusqu’en 2022, soit 1,2% du temps", relevait la Commission de régulation de l'énergie (CRE) dans un rapport l'an passé.

Ces prix négatifs surviennent lorsque l'offre d'électricité dépasse nettement la demande. Concrètement, cela signifie que les producteurs payent pour que leur courant soit absorbé par un distributeur. Pour comprendre, il faut avoir en tête que l'électricité est très difficile à stocker. L'offre et la demande doivent donc être équilibrées. Lorsque cela n'est pas le cas, par manque de consommation, les prix chutent et peuvent devenir négatifs.

Essor des renouvelables

L'équilibrage du système est de plus en plus complexe en raison du développement des énergies renouvelables, dont la production est variable. Ces situations de prix négatifs ont en effet tendance à se multiplier en été, en particulier en milieu de journée, lorsque les panneaux photovoltaïques ou les éoliennes tournent à plein malgré une consommation faible.

Problème supplémentaire, la demande d'électricité en France est relativement stable. Pour l'instant, l'électrification des usages envisagée dans le cadre de la transition énergétique n'a pas fait croître la consommation globale, qui a même baissé par rapport à 2019 en raison de la période de crise énergétique.

Une tendance coûteuse

Dans son rapport, la CRE note toutefois qu'en France les prix ne s'effondrent généralement pas très bas.

"La moitié des heures à prix négatifs sont caractérisées par des prix compris entre -0,1€/MWh et 0€/MWh", note la Commission de régulation de l'énergie.

Leur multiplication est coûteuse pour les producteurs qui payent pour vendre leur électricité et éviter de devoir arrêter leur centrale (ce qui est souvent plus cher encore). Cette situation coûte également à la collectivité, car l'État compense certains acheteurs. Concrètement, ces derniers n'ont pas toujours intérêt à débrancher leurs centrales pour équilibrer le système puisque le coût des prix négatifs sera absorbé par l'État.

De plus, cela ne fait pas vraiment baisser les factures des Français. RTE, le gestionnaire du réseau, constate que si "ces prix négatifs concentrent une large part de l’attention médiatique, les prix spot (prix de marché, ndlr) ont en réalité augmenté en 2025 et sont demeurés à un niveau relativement élevé (67 €/MWh en moyenne) au cours du premier semestre 2025, du fait de la hausse des prix du gaz et de températures plus froides".

Des aménagements possibles

Des solutions existent. Dans son rapport, la Commission de régulation de l'énergie recommandait notamment d'inciter davantage les producteurs à arrêter leurs installations pour mieux moduler l'offre et l'adapter à la demande.

De la même manière, il est envisagé d'inciter les consommateurs à déplacer une partie de leurs usages vers des heures creuses. Surtout, des projets de stockage de l'électricité à grande échelle sont à l'étude. RTE prévoit un investissement de 100 milliards d'euros pour adapter les infrastructures accompagner la montée en puissance des renouvelables, renforcer les interconnexions, développer le stockage et moderniser le réseau pour lui permettre de mieux supporter les variations.

Pierre Lann