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"Les Russes ont réellement peur des frappes décapitantes": Zelensky vient réclamer à Trump les "missiles Tomahawk" d'une portée de 1.600 km et qui hérissent Poutine

Missile de croisière Tomahawk.

Missile de croisière Tomahawk. - -

Donald Trump a laissé entendre qu'il pourrait autoriser la vente de missiles Tomahawk à l'armée ukrainienne. Vladimir Poutine estime qu'il s'agirait d'une "nouvelle étape d'escalade".

La livraison de missiles "Tomahawk" sera "le sujet principal" des discussions entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky, ce vendredi 17 octobre, à Washington. Le président américain a laissé entendre mardi qu'il pourrait autoriser la cession de ces missiles de croisière, réclamés par Kiev pour accroître ses capacités de frappe dans la profondeur, et donc potentiellement sur le territoire russe.

Ces missiles "Tomahawk" ont une portée maximale de 1.600 km, cinq fois plus que les autres armes livrées à l'Ukraine, comme le "Scalp" français. Leur portée précise dépendrait toutefois de la version dans laquelle ils seraient livrés.

"Nous en avons besoin, mais cela ne signifie pas que nous l'utiliserons. Car si nous l'obtenons, je pense que cela exercera une pression supplémentaire sur Poutine pour qu'il prenne la parole", a estimé le président ukrainien auprès du média américain Axios fin septembre. Après avoir échoué à résoudre rapidement le conflit, comme il l'avait promis lors de sa campagne présidentielle, Donald Trump semble voir dans la livraison de ces missiles un moyen de pression pour contraindre Vladimir Poutine à négocier. Les deux dirigeants ont indiqué qu'ils se rencontreraient à Budapest dans les prochaines semaines.

"Si cette guerre n'est pas réglée, j'enverrai peut-être des Tomahawks", a récemment déclaré le président républicain à des journalistes, selon le New York Times.

Ces dernières semaines, Washington a également accepté de fournir des renseignements sur des cibles d'infrastructures énergétiques en Russie pour appuyer la campagne d'attaques menées par l'Ukraine contre des raffineries de pétrole. Le missile Tomahawk a été conçu dans les années 1970 et a été régulièrement utilisé depuis par l'armée américaine dans ses opérations extérieures. Washington s'en est par exemple servi fin juin pour frapper certaines installations nucléaires en Iran.

Le New York Times note que les éventuels "Tomahawk" vendus à l'Ukraine seraient vraisemblablement tirés depuis le sol, ce qui suppose également la livraison d'un lanceur, appelé "Typhon". Jusqu'ici, les responsables américains étaient réticents à fournir des armes d'aussi longue portée à l'armée ukrainienne. Vladimir Poutine a déjà indiqué qu'il considèrerait cette vente comme "une nouvelle étape d'escalade". Son armée a pourtant tiré un missile de portée intermédiaire (entre 500 et 5.500 kilomètres) en fin d'année dernière.

"Ils ont réellement peur"

"L'opposition russe au déploiement de missiles "Tomahawk" à lanceur terrestre en Europe est profondément ancrée dans la crainte de frappes décapitantes contre ses dirigeants", note le chercheur Aaron Stein, dans une note du Foreign Policy Research Institute, un centre de réflexion américain.

"Nous pensons qu'ils ont réellement peur", ajoute le chercheur, qui rappelle que cette crainte animait déjà les dirigeants soviétiques lors de la crise des euromissiles, entamée à la fin des années 1970 lorsque l'URSS a déployé de nouveaux missiles nucléaires, entraînant une réponse américaine.

Une solution avait été trouvée en 1987. Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev avaient alors signé un traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI), en s'engageant à ne pas disposer de missiles d'une portée supérieure à 500 kilomètres. Ce traité a symboliquement marqué le "début de la fin de la guerre froide", selon l'expression employée par Bruno Tertrais dans une note de l'Institut Montaigne. Mais ce mouvement de désarmement s'est inversé.

En 2019, les États-Unis se sont retirés du traité, lors du premier mandat de Donald Trump, en considérant que la Russie ne respectait pas ce traité en développant un missile - dit SSC-8 dans la nomenclature de l'Otan - d'une portée supérieure à 500 kilomètres.

Cette violation du traité par la Russie a été officiellement confirmée par la France, lors de l'audition d'un responsable du ministère des Affaires étrangères par la commission de la défense de l'Assemblée nationale en mars 2019. Dans sa note, le chercheur Bruno Tertrais notait que la décision des États-Unis s'inscrivait aussi dans un mouvement destiné "à contrer la montée en puissance militaire et politique de la Chine" qui n'était pas liée par ce traité.

Pierre Lann