"L'économie de guerre n'est pas à la hauteur": un rapport sénatorial critique le manque de moyens

"Je vous souhaite une bonne année, même si ce vœu risque de ne pas être exaucé", a démarré Cédric Perrin, président de la commission des Affaires étrangères et de la défense et sénateur du Territoire de Belfort (LR).
Le ton est donné pour dévoilé un rapport titré "Pourquoi l'avenir de l'Europe se joue en Ukraine" après un voyage en Pologne et en Ukraine avec d'autres sénateurs français au mois de décembre. Cédric Perrin se désole que les promesses d'Emmanuel Macron en 2022 ne se réalisent pas. Il fait au gouvernement plusieurs propositions pour changer de braquet, non seulement dans l'intérêt de l'Ukraine, mais aussi dans celui de l'Europe.
"C'est bien de parler d'économie de guerre, mais qu'est-ce qu'on fait concrètement? Cette économie de guerre n'est pas à la hauteur des attentes. Ce n'est pas le terme approprié. Les mots ont un sens. C'est un abus de langage", a lancé le sénateur lors d'un point presse.
40 Scalp et des "centaines de bombes"
Selon Cédric Perrin, la production française actuelle, 20.000 obus de 155 mm par an, ne couvrirait que trois à quatre jours de combat.
"Nous n’avons pas assez inscrit notre aide dans la durée et dans la production de volumes suffisants", note les sénateurs dans leur rapport.
Cédric Perrin a réagi aux annonces faites hier par Emmanuel Macron lors de son intervention télévisée. Le chef de l'Etat a dévoilé que la France livrera à l'Ukraine 40 nouveaux missiles longue portée Scalp ainsi que des "centaines de bombes".
"40 Scalp, c'est bien, mais il faut être prudent. On fait des annonces à un pays en guerre. Il faut que ces promesses se concrétisent", a réagi Cédric Perrin.
Quant aux "centaines de bombes", le sénateur s'interroge sur les calibres qui seront fournis.
"S'il s'agit d'obus de 155 mm, il en vole des centaines en un jour. Ce n'est pas grand-chose".
Faute de munitions françaises, les artilleurs ukrainiens utiliseraient des obus coréens pour charger les canons Caesar au risque d'endommager prématurément les fûts.
Les industriels veulent des commandes
La commission sénatoriale note que, malgré les déclarations du Gouvernement, "les volumes d’acquisition des munitions resteront dans les années à venir similaires aux moyennes constatées les années précédentes pour les munitions d’artillerie. Cela place dangereusement la France en décalage par rapport à ses partenaires".
Les sénateurs rappellent que les Etats-Unis ont multiplié par six sa production de munitions d’artillerie, le Royaume-Uni a passé plusieurs contrats importants à ses industriels et l’Allemagne a commandé 150.000 munitions d’artillerie à Rheinmetall. Pour la France, les cadences n'avancent pas comme une économie de guerre devrait l'imposer.
"D'un côté, les industriels veulent des commandes pour produire. De l'autre, le ministère des Armées nous assure qu'elles sont passées. On va lancer une information sur les munitions d'autant qu'on a voté 16 milliards dans la LPM".
Des composants occidentaux en Russie
Face à ces manques de munitions, les Ukrainiens s'étonnent que la Russie puisse encore avoir accès à des composants électroniques occidentaux et réclament "un renforcement des contrôles sur l’exportation de ces composants stratégiques". Idem du côté de l'Iran.
"Les drones qui frappent l'Ukraine et Israël ou la mer Rouge viennent d'Iran qui est le dénominateur commun de ces zones de conflit", pointe Cédric Perrin.
La commission recommande au gouvernement d'expliquer aux Français les véritables enjeux du conflit. Elle estime qu'"ils dépassent les questions de territoires et visent à remettre en cause notre modèle européen de société démocratique".
"L'avenir de l'Europe est lié à ce qui se passera en Ukraine. Le projet de Poutine est plus large qu'on le pense. Il ne s'arrêtera pas à l'Ukraine. Il faut que les Européens comprennent que les Ukrainiens se battent pour nous".
