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Défense

Guerre du futur: des civils transformés en soldats augmentés, le dernier scenario de la Red Team Défense

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Pour son 3e et dernier volet de guerres du futur, la Red Team de l'Agence innovation défense (AID) aborde l'espace et les technologies invasives pour transformer instantanément des populations civiles en phalanges indestructibles.

Pour leur 3e et dernière saison, les membres de la Red Team Défense ont imaginé "Ces guerres qui nous attendent, 2030-2060". Sous la houlette de l'Université Paris Sciences & Lettres (PSL), ce groupe d'auteurs de science-fiction -qui oeuvre pour le compte de l'Agence innovation défense, une entitié de la DGA (direction générale pour l'armement)- a dévoilé deux scénarii lors de deux soirées bien distinctes.

L'une, très privée, a rassemblé autour du général Thierry Burkhard, chef d'état-major des armées (Cema), les généraux des trois armées (terre, mer et air/espace). La seconde publique, à laquelle nous avons assisté, comptait les industriels de l'armement parmi lesquels Thales, Safran, Naval Group, Nexter ou encore MBDA.

Le premier scénario, intitulé "La ruée vers l’espace" porte sur des conflits spaciaux entre les Etats qui tentent d'établir une nouvelle puissance et de nouveaux profits économiques. Rien de surprenant, cette bataille a déjà démarré.

Une phalange de civils augmentés

Le second scenario intitulé "Face à l'hydre" est plus intéressant, plus sensible et aborde le soldat augmenté. Il a été présenté en intégralité aux militaires, mais a été édulcoré pour sa présentation aux civils.

Pour augmenter le nombre de militaires mobilisables immédiatement, des chercheurs ont créé l’eshu, un implant permettant d'injecter instantanément de multiples compétences militaires au premier venu. Un simple civil devient alors en quelques secondes un soldat accompli capable de maîtriser toutes sortes d'armes ou de sciences.

L'idée avait déjà été explorée dans la science-fiction. Dans Matrix, le héros apprend instantanément des langues, des arts martiaux et des techniques de combat. Mais la Red Team est allée plus loin. Les humains peuvent transmettre à d'autres leurs connaissances en les "engrammant" sur des cartes mémoires. La transmission du savoir est ainsi assurée avec un partage sans limite selon les besoins des Etats.

L'hydre imaginée par la Red Team de l'AID (illustration de Francois Schuiten)
L'hydre imaginée par la Red Team de l'AID (illustration de Francois Schuiten) © AID

La population pucée constitue une hydre, sorte d'armée de masse dont les éléments sont remplacés en temps réels s'ils tombent au combat. Comme la créature mythologique, sa puissance ne faiblit jamais, l'humain devenant, en cas de conflit, un consommable conscient, mais programmé pour l'être.

L'éthique de la guerre

Selon les membres de la Red Team, des questions stratégiques et tactiques se posent. Comment affronter un collectif en perpétuelle recomposition, dont les membres deviennent interchangeables grâce à la technologie d’injection de connaissances? Comment organiser la résistance et la protection d’un territoire quand le danger peut venir d’une population entière –miliciens, enfants ou vieillards– connectée comme un seul homme?

Si une partie de ce scénario a pu être rendue public via un "teaser" vidéo façon Netflix, l'essentiel de ce travail a été classifié et ne sera pas diffusé. Sans en donner la raison exacte, le directeur de Agence de l'innovation de défense (AID), l'ingénieur général de l'armement Patrick Aufort, rappelle la position de la France sur le soldat augmenté.

"Par éthique, nous nous interdisons les technologies invasives destinées à améliorer les performances physiques ou cognitives du corps humain", explique Patrick Aufort.

Cette position a été prise par le comité d'éthique de la défense, un groupe créé par l'ex-ministre des Armées Florence Parly. En 2020, un rapport a été demandé sur le soldat augmenté. L'avis rendu est clair.

"Les augmentations de militaires doivent être en cohérence avec le cadre assigné aux armées de la République et viser exclusivement à acquérir ou à maintenir la supériorité opérationnelle de nos armées tout en préservant la santé physique et mentale de nos militaires", se sont positionnés les membres du comité.

Des créatures indestructibles

Reste que la France pourrait être seule à s'imposer ces règles. D'autres Etats, comme la Russie, la Chine ou les Etats-Unis, planchent sur des technologies avec, pour ambition, de parvenir à éviter le maximum de risques pour leurs soldats. Ces travaux sont secrets, hormis ceux de Neuralink, entreprise américaine appartenant à Elon Musk.

Elle vient de recevoir l'autorisation pour la mise en place d'un essai clinique sur l'homme. Elle travaille sur des implants cérébraux créant une connexion cerveau–ordinateur qui permettrait de contrôler des équipements à distance simplement par la pensée.

Ces innovations sont destinées aux civils et visent à redonner de la mobilité aux personnes paralysées en leur permettant d'interagir avec leur environnement ou de manipuler facilement des bras mécaniques. Elles pourraient aussi être une solution aux troubles neurologiques. Ces implants seront-ils un jour adaptés à un usage militaire pour transformer les soldats en créatures indestructibles?

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco