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Comment l’État plombe les cessions du Doliprane et de Biogaran

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Le ministère de l’Économie impose ses conditions aux repreneurs de ces deux fleurons de la pharmacie française. Au point de pousser Servier à renoncer à céder Biogaran. La partie n’est pas gagnée pour Sanofi.

L’État interventionniste est de retour. Habituellement vigilant sur les cessions d’entreprises françaises, le gouvernement est devenu très actif sur les deux dossiers chauds dans le secteur de la pharmacie. Le groupe Servier d’abord, vient de renoncer à vendre sa filiale Biogaran après plusieurs mois de bras de fer avec le gouvernement.

"Nous avons énormément pesé dans ce dossier, assume une source proche de Bercy. Nous étions opposés à cette opération et avons imposé des conditions strictes pour le maintien de l’emploi et l’approvisionnement de médicaments en France."

Un sujet devenu stratégique depuis le Covid. Le ministre de l’Industrie sortant, Roland Lescure, s’était même opposé à ce que Biogaran soit vendu au groupe indien Aurobindo. "Une position pas facile à tenir alors que les relations diplomatiques avec l’Inde sont sensibles", précise son entourage.

L’alliance du fonds britannique BC Partners à BPI France avait largement reçue la préférence de Bercy. "C’était l’option la moins mauvaise", ajoute ce proche. Mais ce choix a conduit à "tuer" l’appel d’offres. Selon nos informations, le duo a proposé un prix bas autour de 500 à 600 millions d’euros alors que les Indiens offraient environ 800 millions d’euros. "Un écart énorme qui a poussé Servier à renoncer", explique un proche du dossier.

Dossier suivi par l'Élysée

Le gouvernement sortant pèse aussi lourd dans l’autre grand dossier pharma du moment: la vente du Doliprane. Le Français Sanofi veut se séparer de sa division grand public qui contient des médicaments sans ordonnance, soit une centaine de marques dans le monde dont le célèbre anti-douleur. Le Doliprane, 100% français, représente deux usines à Lisieux et Compiègne et 950 emplois sur le territoire.

Bercy revendique suivre ce dossier de "très près et cela remonte jusqu’à l’Elysée", assure une source proche.

Là aussi, des engagements sur l’emploi et l’approvisionnement en France seront appliqués. Au point de gêner certains fonds d’investissement, candidats au rachat. C’est le cas de l’américain Advent qui a jeté l’éponge cet été. "Il voulait que Sanofi conserve Doliprane qui est trop franco-français, règlementé et sujet à une forte intervention de l’État", explique un bon connaisseur de l’opération. Refus catégorique du groupe pharmaceutique qui martèle avoir investi 20 millions d’euros dans l’usine de Lisieux.

Pourquoi Sanofi veut-il vendre ses usines de Doliprane?
Pourquoi Sanofi veut-il vendre ses usines de Doliprane?
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Les prix tirés à la baisse

Parmi les candidats encore en lice, on assure que l’œil du gouvernement ne pose pas de problème et qu’il faut "développer Doliprane à l’étranger". Une stratégie difficile à tenir, reconnait-on pourtant chez Sanofi qui explique que les habitudes de consommation de ces produits sont très locales.

Comme pour Biogaran, l’État privilégie la solution française du fonds PAI face à l’américain CD&R. Pas de favoritisme pour autant.

"Les engagements à respecter pour un Français seront équivalents à un contrôle des investissement étrangers" assure-t-on à Bercy.

Les enchères espérées n’ont pas eu lieu et cette division serait désormais valorisée entre 12 et 13 milliards d’euros, loin des 15 à 20 milliards qu’espérait Sanofi. Le groupe martèle qu’il n’est pas obligé de vendre et qu’il étudie aussi une introduction en Bourse. Peut-être un renoncement aussi pour le Doliprane.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business