BFM Business
Assurance Banque

Les banques vont-elles devenir des régies publicitaires?

Paypal recourt à la géolocalisation pour promouvoir les offres de ses enseignes partenaires

Paypal recourt à la géolocalisation pour promouvoir les offres de ses enseignes partenaires - Joe Raedel-Getty Images North America-AFP

[AVIS D'EXPERT] Les banques multiplient les initiatives pour proposer à leurs clients des offres promotionnelles venant de partenaires. Décryptage avec notre expert Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor.

Dans un récent communiqué de presse, Boursorama marque les premiers succès de la nouvelle offre de BoursoBank (lancée au début de l’année) "VIP" pour "Very Important Partners".

Cette offre "s’adresse aux marques qui travaillent dans un objectif de "marketing for sales" en cherchant à optimiser leurs dépenses marketing dans une approche full-funnel associant à la fois du branding media, un modèle d’affiliation premium et le retail media. Les partenaires annonceurs peuvent ainsi émerger davantage auprès des 6,3 millions de clients de BoursoBank et activer des campagnes trademarketing ciblées pour développer leurs ventes".

BoursoBank entend ainsi développer une orientation qui tente les banques depuis plusieurs années et que certaines ont effectivement déjà explorée.

S'adresser de manière ciblée à leurs clients

Nous sommes ici dans ce qu’on nomme "la banque-plateforme", soit la possibilité pour les banques de proposer à leurs clients des produits et des services non financiers ou, plus exactement, de proposer à des enseignes partenaires non bancaires de s’adresser de manière privilégiée et ciblée à leurs clients.

Compte tenu des très larges bases de clientèle dont disposent les banques et compte tenu des rapports de fidélité et de confiance qu’elles entretiennent avec leurs clients, il semble que cette orientation représente un axe très prometteur de diversification de leurs revenus.

Au départ, certains établissements ont d’abord pensé à utiliser leurs agences pour proposer à leurs clients, en circuit court, les produits d’entreprises elles-aussi clientes, lesquelles pouvaient ainsi utiliser leur banque comme une véritable vitrine. C’était là l’idée qui, très vite, a été déployée en ligne à travers des places de marché ou galeries marchandes virtuelles, ouvertes aux commerces qui pouvaient ainsi directement solliciter les clients des banques en leur proposant promotions et cashbacks. Paypal ou Bank of America, avec BankAmeriDeals, ont été parmi les premiers établissements à explorer cette formule.

Des pubs dans les relevés de comptes

Alors que la plupart des banques en restaient à des programmes d’avantages liés à l’utilisation des cartes de paiement, BankAmeriDeals était une véritable place de marché, associée à son appli, permettant à Bank of America de vendre à des enseignes des espaces publicitaires. De même, aux États-Unis et sans s’embarrasser à mettre sur pied une place de marché, PNC s’est mise à glisser des bandeaux promotionnels de partenaires directement dans ses relevés de comptes.

Les banques pouvaient ainsi devenir de véritables régies publicitaires et, mieux même, proposer à des enseignes partenaires des actions de marketing ciblant les clients de manière individuelle. Puisque gardiennes de leurs moyens de paiements, les banques sont à même (en général avec l’aide d’acteurs spécialisés) de connaître les habitudes et préférences d’achat de leurs clients.

A cet égard, Bank of America a ainsi rapidement défini un modèle de gestion confidentielle des données clients qui a été largement reproduit. L’établissement ne vend ni ne transmet à quiconque des données personnelles. Les commerces ne savent pas à quels individus ils s’adressent précisément à travers BankAmeriDeals. Ils formulent leurs promotions et c’est la banque qui repère, en analysant leurs dépenses, leurs clients potentiels.

La formule est triplement avantageuse: pour la banque, qui dégage de nouveaux revenus ; pour les enseignes auxquelles est proposé un marketing ciblé très attractif ; pour les clients eux-mêmes sollicités par des offres susceptibles de les intéresser véritablement. On comprend dès lors que plusieurs banques aient récemment lancé des services propres pour développer cette nouvelle activité: BoursoBank avec Bourso Brand Solution mais également Revolut et N26 ou, aux Etats-Unis, la grande concurrente de Bank of America, Chase et ses 80 millions de clients (Chase Media Solution).

Des essais encore peu concluants

Pour autant, est-ce que ces formules de banque-plateforme marchent? Eh bien, à ce stade, pas vraiment! Sauf dans plusieurs pays d’Asie (dans des contextes tout à fait différents), le grand public n’a pas encore été largement converti. Pour le présent, le modèle économique de ces plateformes demeure assez incertain (niveau de marges pour les banques et les commerces, coûts de mise en marché importants, …) et la formule semble surtout intéressante à une échelle de proximité locale (il convient de souligner à cet égard que le Crédit Agricole vient de prendre une participation dans la plateforme bordelaise d’argent fléché solidaire CibleR).

Alors qu’elle fait face à des acteurs de la taille d’Amazon capables de proposer des services concurrents et alors qu’aujourd'hui le public le plus jeune jongle fréquemment sur mobile avec de 25 à 40 fournisseurs différents de solutions d’achat, la banque-plateforme doit encore trouver une proposition de valeur convaincante.

Les solutions, à cet effet, sont exploratoires. Elles se multiplient néanmoins: la néobanque à succès brésilienne NuBank propose un accès privilégié au streaming sur son appli, Klarna développe dans certains pays le paiement différé avec Uber, Paypal, comme Google et Apple, recourt à la géolocalisation pour promouvoir les offres de ses enseignes partenaires et, de manière ludique, Credit Karma associe une loterie à celles-ci… Au total, en plus de nouvelles sources de revenu, la banque-plateforme amène à revoir profondément l’expérience client. C’est en ceci qu’elle est prometteuse.

Par Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor