Législatives: quelles sont les règles pour qu'une banque accorde un prêt aux candidats?

Parmi les effets de la récente dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, il en est un, considérable, dont on parle peu. Les partis politiques vont devoir en effet immédiatement engager les frais d’une nouvelle campagne électorale pour les Législatives, alors qu’ils n’ont pas encore été remboursés (pour ceux qui ont recueilli au moins 5% des suffrages exprimés) des dépenses engagées pour les élections européennes, lesquelles ont pourtant largement épuisé leurs ressources.
Comment vont-ils faire? Selon l’article 11-4 de la loi du 11 mars 1988, les partis ou groupements politiques ne peuvent recevoir de financements de la part de personnes morales, à l’exception d’autres partis politiques ou d’établissements de crédit et de sociétés de financement ayant leur siège social dans un État membre de l’UE. Quant aux financements par des personnes physiques, ils sont strictement limités en montant (moins de 10.000 euros par tête).
Il ne reste donc que les banques, qui sont sans doute fortement sollicitées actuellement. Seulement, il n’est pas si facile d’obtenir un crédit bancaire lorsqu’on est à la tête d’un parti politique. La Fédération bancaire française vient de publier un dossier de synthèse très complet sur ce sujet.
Tout d’abord, en fait de crédit de campagne, il s’agit de prêts personnels accordés aux candidats (ou à leur mandataire financier) et non à leur parti. De sorte qu’entre en jeu la capacité de remboursement des candidats eux-mêmes et des garanties personnelles qu’ils peuvent fournir (patrimoine immobilier, portefeuille de valeurs mobilières, …).
Pas de "droit au crédit"
Certes, pour les banques, le risque est assez faible si les candidats dépassent le seuil d’au moins 5% des suffrages exprimés. Toutefois, cela n’est pas forcément acquis même pour des partis très installés (comme ce fut le cas pour la candidate LR aux dernières élections présidentielles) et cela reste suspendu à la validation des comptes de campagne par l’autorité compétente.
Sachant que, pas plus que quiconque, les leaders politiques ne bénéficient d’une sorte de "droit au crédit", ils ne peuvent, en cas de refus – dont on peut imaginer qu’ils doivent être assez nombreux – que saisir le médiateur du crédit après deux rejets par des banques de leurs demandes de prêt.
Soyons donc clair: pour les petits partis ou les formations politiques nouvelles, dont les leaders ne disposent pas de ressources personnelles confortables, l’accès à un financement bancaire est très limité. Pourtant, les frais obligatoires de campagne sont élevés (bulletins de vote, affiches, …). C’est ainsi que, le 9 juin, pour les européennes, il n’y avait aucun bulletin dans les bureaux de vote pour de nombreuses listes (pour voter pour elles, il fallait télécharger son bulletin en ligne et l’imprimer).
Mais il y a plus. Il y a la troisième directive européenne en matière de lutte anti-blanchiment, transposée en droit français en janvier 2009, qui désigne des "personnes politiquement exposées".
Ce sont des personnes qui exercent des fonctions politiques, juridictionnelles ou administratives importantes et qui, du fait de leurs fonctions, exposent les banques dont elles sont clientes à un risque de blanchiment de capitaux élevé.
Vigilance accrue pour certains profils
La réglementation donne une liste précise des fonctions qui entraînent la qualification de "personne politiquement exposée": chef d’État, chef de gouvernement, membre d’un gouvernement national ou de la Commission Européenne ; membre d’une assemblée parlementaire nationale ou du Parlement européen ; membre de l’organe dirigeant d’un parti ou groupement politique ; membre d’une cour suprême, d’une cour constitutionnelle ou d’une autre haute juridiction dont les décisions ne sont pas, sauf circonstances exceptionnelles, susceptibles de recours ; membre d’une cour des comptes ; dirigeant ou membre de l’organe de direction d’une banque centrale ; ambassadeur ; chargé d’affaires ; officier général ou officier supérieur assurant le commandement d’une armée ; membre d’un organe d’administration, de direction ou de surveillance d’une entreprise publique ; directeur, directeur adjoint, membres du conseil d'une organisation internationale créée par un traité (Article R.561-18 du Code monétaire et financier).
Vous avez bien lu: les fonctions politiques, juridictionnelles ou administratives les plus importantes doivent être particulièrement surveillées comme sources privilégiées d’argent sale, à l’instar du trafic de drogue et du financement du terrorisme. Les banques doivent redoubler de vigilance vis-à-vis de possibles gros trafiquants de stupéfiants mais aussi des membres du Conseil constitutionnel. Et non seulement vis-à-vis d’eux mais des personnes connues pour leur être étroitement proches ou associées.
Ce qui, soit-dit en passant, oblige les banques à mener un véritable fichage continu des personnes exerçant les postes les plus importants, si l’on veut que de telles mesures soient effectivement appliquées.
Des règles difficiles à appliquer
Car il est attendu des banques qu’elles recueillent des éléments d’information relatifs aux revenus, à la profession et au patrimoine de tous leurs clients à l’ouverture et pendant le fonctionnement d’un compte. Lorsque le client est une personne politiquement exposée, en raison de ses fonctions ou en raison de ses liens familiaux ou professionnels, la banque doit non seulement connaître l’origine des fonds déposés sur son compte mais également rechercher l’origine de son patrimoine impliqué dans la relation d’affaires (Article R. 561-20-2 du Code monétaire et financier).
En outre, les banques doivent surveiller le fonctionnement du compte et doivent interroger leurs clients sur les opérations qui seraient atypiques par rapport au fonctionnement attendu du compte au vu des informations qu’elles détiennent sur leurs clients.
De telles mesures – dont on ne voit pas très bien ce qui les fonde et pas davantage dans quelle mesure elles sont et peuvent être réellement appliquées – représentent un évident barrage formel pour qui sollicite un prêt personnel pour une campagne électorale ou pour qui exerce tout simplement des fonctions politiques.
De sorte qu'il est difficile pour de nombreux candidats aux prochaines législatives, et particulièrement à ceux qui veulent se lancer en politique, de trouver un financement.