Les droits de douane de Trump devraient entrainer une chute terrible de 1 milliard d'euros des ventes d'alcools français

Cognac, bordeaux et champagne n'échappent pas, pour l'heure, aux droits de douane américains. À compter du 7 août prochain, les vins et les spiritueux européens se verront bien imposer des droits de douane de 15% à l'entrée des États-Unis, de même qu'une bonne partie des exportations européens outre-Atlantique. Soucieux de protéger un secteur sensible pour le Vieux continent, les Européens ont tenté d'obtenir une exemption pour leurs boissons alcoolisées - sans succès, même si Bruxelles assure poursuivre les négociations pour infléchir la position américaine.
Pour la France, l'un des champions européens aux côtés de l'Espagne et de l'Italie, une telle situation est loin d'être rassurante. Les Américains incarnent le premier marché étranger pour les vins et les spiritueux français: avec 3,8 milliards d'euros, le marché américain pesait 24,5% de la valeur totale des exportations françaises en 2024, loin devant le Royaume-Uni (10,7%) et la Chine (6,1%), selon les derniers chiffres annuels de la Fédération française des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS).
Tequila, whisky et cognac
Selon une récente étude du panéliste NielsenIQ, la France est aujourd'hui le deuxième acteur étranger des vins et le troisième acteur étranger des spiritueux aux États-Unis. Sur la première période de quatre semaines de l'année 2025, les vins français pesaient ainsi 7% du chiffre d'affaires du marché américain des vins (effervescents, tranquilles et fortifiés) en grande distribution et liquor stores, derrière l'Italie (13%) et devant la Nouvelle-Zélande (4%). Du côté des spiritueux français, ces derniers pesaient 7% du marché sur la même période, derrière le Mexique (17%) et le Canada (9%).
À l'intérieur des caisses tricolores qui traversent l'Atlantique, le cognac occupe une place conséquente. Selon l'étude de NielsenIQ, le cognac représente à lui seul les deux-tiers (67%) du chiffre d'affaires réalisé par les spiritueux français sur le sol américain. L'eau-de-vie charentaise est ainsi le quatrième spiritueux étranger le plus vendu aux États-Unis, grimpant à 5% du chiffre d'affaires du marché américain des spiritueux dans le périmètre étudié par le panéliste, derrière la tequila mexicaine (16%) et les whiskies canadiens (8%), à égalité avec les whiskies écossais (5%).
Autre poids-lourd, le champagne est lui aussi incontournable dans les échanges transatlantiques: le seul vin effervescent champenois représente 43% du chiffre d'affaires des vins français dans les magasins américains, selon NielsenIQ.
"Une perte de 1 milliard d'euros"
Face à un tel renchérissement des tarifs douaniers, les exportateurs français ne cachent leurs inquiétudes. Dans un communiqué de presse publié ce vendredi matin, la FEVS a estimé que l'impact de l'entrée en vigueur des droits de douane américains de 15% "sera d'autant plus brutal qu'il [ira] de pair avec le recul du dollar américain depuis le début de l'année".
Selon la FEVS, cela pourrait "aboutir à une réduction d'un quart des ventes [françaises] aux États-Unis, soit une perte de 1 milliard d'euros".
Si le marché américain se comprime pour les productions françaises, elles seront peut-être tentées de voir ailleurs. "Dans le cas du cognac, le marché français, 15 fois plus petit et peu dynamique, ne permettra évidemment pas de compenser de fortes baisses à lui seul", observe NielsenIQ. Selon l'étude, une croissance de 77% serait nécessaire sur le marché français pour compenser une baisse de 5% du chiffre d'affaires aux États-Unis.
Concernant le champagne, la France "sera potentiellement davantage en mesure d’absorber un impact venu des États-Unis", souligne NielsenIQ, évoquant "un marché domestique beaucoup plus solide que celui du cognac". Selon la même étude, une croissance de 4% - bien moindre que les +77% du cognac - serait nécessaire sur le marché français pour compenser une baisse de 5% du chiffre d'affaires aux États-Unis.
Vers les pays du Mercosur?
Au-delà de nos frontières, les Français pourraient tenter de convaincre d'autres grands partenaires d'en acheter davantage, dont le Royaume-Uni, premier marché européen pour les vins et les spiritueux français.
"Le développement du marché britannique pourrait contribuer à compenser une éventuelle crise aux États-Unis", pour le cognac comme le champagne, note le panéliste.
De même pour la Chine, où la récente détente sur le sujet de l'enquête antidumping contre les brandies européens laisse entrevoir l'espoir d'un réveil du marché local, particulièrement pour le cognac.
À l'horizon, le projet d'accord commercial entre l'UE et les pays du Mercosur pourrait permettre aux alcools français de gagner de nouvelles parts de marché en Amérique latine – s'il se concrétise malgré l'opposition d'une partie des États membres, dont la France, à la version actuelle du texte. Les vins et spiritueux français ont réalisé 1,1 milliard d'euros de chiffre d'affaires dans les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) en 2024, dont 820 millions pour le seul Brésil.