"La France a une carte à jouer": les algues s'invitent au Salon de l'agriculture

Des toasts au "tartare d'algues" présentés sur le stand de l'association "Merci les algues" lors de la 61ème édition du Salon de l'agriculture, le 28 février 2025 à Paris. - BFM Business
Dans l'un des pavillons du Salon de l'agriculture, quelques visiteurs s'attardent devant le stand pour manger des petits toasts apéritifs. Sur les biscottes, aucune tapenade d'olives vertes en dépit des apparences: il s'agit d'un tartare d'algues, cueillies dans les environs de l'île de Ré. Pour la quatrième année consécutive, l'association "Merci les algues" s'est invitée à Paris. Agriculture, agroalimentaire, biomatériaux, cosmétiques… "Merci les algues" regroupe 80 entreprises françaises, principalement des TPE et des PME, représentantes d'une filière en pleine expansion.
"Il faut seulement de l'eau et du soleil" pour produire des algues, qui ont par ailleurs l'avantage de "pousser très vite", avance Sarah Turrini, responsable relation adhérents au sein du collectif d'entreprises. Environ 70.000 tonnes de macro-algues sont récoltées en France en moyenne chaque année, auxquelles s'ajoutent la culture de quelques centaines de tonnes de micro-algues et de cyanobactéries, principalement de la spiruline dans le dernier cas. En matière d'algues, la France s'installe aujourd'hui à la troisième place européenne, derrière la Norvège et la Suède.
"La France a une carte à jouer, même si l'Asie a un cran d'avance", observe Sarah Turrini.
Ce jour-là, des saucisses sont proposées à la dégustation. Si la viande n'est pas absente, des algues s'intègrent également à la liste des ingrédients. Jeune entreprise bretonne des Côtes-d'Armor, Seaweed Concept est venue promouvoir son procédé de lactofermentation des algues – à la manière de la choucroute, en quelque sorte – avec l'objectif de les intégrer à l'alimentation humaine. "Nos algues fermentées sont facilement intégrables dans les processus de production" des industriels agroalimentaires, explique Stéphane Mahé, associé de Seaweed Concept.
Des saucisses aux algues
Selon l'entreprise, la lactofermentation adoucit le goût des algues. "Elles ne changent pas le goût de la matrice: au lieu d'en mettre seulement 5%, il est possible de monter à 20, 30 ou 40% d'algues", précise-t-il. Pour l'heure, des produits utilisant les algues de Seaweed Concept ne sont pas encore apparus dans les supermarchés – mais l'entreprise bretonne assure qu'il ne s'agit que d'une question de temps. Un travail est mené avec quelques industriels, dans les produits carnés ou la boulangerie, pour développer des produits alimentaires "hybrides" contenant des algues.
L'objectif "n'est pas le remplacement de la viande", souligne Stéphane Mahé.
En utilisant des algues, les fabricants pourraient vanter une moindre empreinte carbone (et afficher un meilleur Nutri-Score) sur leurs emballages, mais ils pourraient surtout abaisser leurs coûts de production, les algues étant moins chères que la viande par exemple, selon Seaweed Concept, qui a récemment levé 2 millions d'euros pour accélérer l'industrialisation de son procédé. Par ailleurs, les propriétés naturelles des algues, émulsifiantes entre autres, pourraient "permettre de se passer de certains additifs" et "de diminuer la liste des ingrédients", promet Stéphane Mahé.
Au-delà de l'alimentation, les algues peuvent s'intégrer à la nourriture animale, notamment les volailles, ou encore à la production de biomatériaux –certaines entreprises utilisent les algues pour fabriquer des gobelets, des barquettes ou des sacs-poubelle en diminuant la quantité de plastique. Reste que la filière algale française, pour l'heure, n'est pas encore complètement structurée. En marge du Salon de l'agriculture, la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a présenté une feuille de route pour accompagner son développement dans les prochaines années.
Sensibiliser le grand public
Améliorer la règlementation, soutenir la compétitivité des entreprises, rationaliser les études et surtout sensibiliser les consommateurs, énumère la feuille de route. La valorisation des algues auprès du grand public est encore l'un des freins à l'essor de la filière.
"Le regard des consommateurs est aujourd'hui bien plus positif" qu'auparavant, nuance Sarah Turrini. L'association "Merci les algues" mise en particulier sur les enfants, en multipliant les animations et les dégustations sur les plages et dans les cantines – avec l'idée de toucher les consommateurs de demain.