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Atterrir à Madère: une manoeuvre "sportive" mais pas dangereuse

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Les voyageurs réguliers et experts aéronautiques le confirment: si l'aéroport présente des particularités, il n'est pas spécialement dangereux. Mais il présente des caractéristiques qu'il faut connaître pour espérer y atterrir.

"C'est surtout sportif!", "c'est super joli!", "l'arrivée est très belle." Les pilotes et passagers réguliers vers Madère interrogés par BFM Business en témoignent: ils n'ont jamais eu de vraies frayeurs en arrivant sur l'île au large de la côte nord-ouest de l'Afrique. Pour autant, certains touristes coincés depuis plusieurs jours expérimentent de plein fouet les complications d'un atterrissage sur une piste au relief accidenté.

Un aéroport sur une île volcanique battue par les vents

En règle générale, pas de quoi être inquiet. "L'arrivée est très jolie. Alors oui, c'est toujours un peu sportif", sourit la journaliste et écrivaine Françoise Laborde, grande habituée de l'île. "Parfois il arrive de ne pas pouvoir se poser, et là des déroutages se font sur l'île voisine de Porto Santo, située à une quarantaine de kilomètres de là.

La difficulté est qu'une fois déroutés là-bas, il y a encore moins de possibilité de se loger." "Il y a parfois quelques turbulences, c'est chahuté par les vents, mais pas plus que quand je me pose à Marseille", estime Ludovic, Madérien de naissance.

Madère n'est pas plus dangereux que d'autres aéroports", confirme Jean Serrat, consultant aéronautique pour BFMTV, "mais il a certaines particularités comme l'ancienne piste de Hong-Kong ou l'aéroport de Quito".

Ce qui est particulier, c'est la géographie de l'île tout d'abord. "Madère est une île volcanique, où pas grand-chose n'est plat", témoigne Ludovic. La piste est à flanc de relief, l'aéroport est en bord de mer".

La piste de l'aéeroport de Madère, entre colline et océan, vue sur Google Maps
La piste de l'aéeroport de Madère, entre colline et océan, vue sur Google Maps © Google

Et la difficulté ce sont aussi ces épisodes venteux, qui peuvent aller jusqu'à des vents cisaillants. "La piste est à flanc de montagne, en cas de phénomène venteux il peut y avoir des vents qui rebondissent sur la colline. Alors le vent n'est pas le même en début et en fin de piste", complète la journaliste, résidente de l'île à temps partiel.

Une limite maximale de force des vents à respecter

Contre ces fameux vents de travers ou cisaillants, la réglementation est claire. Pas de décollage ou d'atterrissage si "les vents moyens sur les deux dernières minutes dépassent les 35 km/h", relève Jean Serrat. Et en cas de remous, "il faut remettre les gaz", détaille Gérard Felzer pour BFM Business.

À très fort vent le pilote automatique décroche, c'est au pilote de prendre les décisions, de faire ses calculs mais il est entraîné pour ça. Le commandant de bord calcule en fonction des informations données par la tour."

L'ancien pilote Jean Serrat ne fait état d'aucune difficulté particulière lors des vols qu'il a pu effectuer vers Funchal, mais en relate les spécificités. "Sur ce terrain, il n'y a pas d'approche aux instruments. On arrive sur une balise à la pointe de l'île, à partir de là, c'est une approche à vue. C'est un pilotage standard sympa, comme dans un aéroclub". Certaines orientations du vent peuvent tout de même conduire à des atterrissages assez spectaculaires dits "en crabe".

Une certification est nécessaire pour atterrir à Madère

Toutefois, pour atterrir à Madère, être pilote ne suffit pas. Madère fait en effet partie des aéroports où le pilote doit s'être entrainé lors d'un vol sur place avec un instructeur ou avec un simulateur. Cette nécessaire certification tous les six mois pourrait expliquer les difficultés de certaines compagnies à affréter des avions de remplacement. En plus des créneaux à trouver pour atterrir et décoller dans un aéroport chargé en période touristique.

Aucun accident depuis 60 ans

Si touristes et pilotes sont si confiants, c'est aussi parce que la piste a subi de nettes améliorations. C'était avant, lorsque la piste était plus courte de 1300 m que l'arrivée se corsait. "Là, l'atterrissage était plus mouvementé. L'ancienne piste était beaucoup plus courte, et le freinage était important, on arrivait vraiment en bout de piste et on voyait la mer", se souvient Ludovic. Depuis l'extension de la piste gagnée sur la mer par des pilotis, il n'y a plus de freinage brutal.

Il n'y a pas eu non plus d'accident depuis 50 ans, les derniers remontent à 1977, où se sont successivement écrasés un Boeing 727 de la TAP, puis un Sud-Aviation SE 210 Caravelle de la SATA Genève. À part quelques atterrissages mouvementés, que les visiteurs et résidents se plaisent à observer depuis les collines en surplomb, rien de dramatique à signaler. Si ce n'est quelques montées d'adrénaline et épisodiquement des déroutages qui gâchent un peu les vacances.

Marine Landau