"Et toi, tu as voté pour qui?": quand la politique débarque au bureau, attention aux tensions

La question vous a peut-être été posée par ce collègue (bien trop) curieux, en plein milieu d’une conversation…et de l’open space: quel bulletin avez-vous glissé dans l'urne dimanche? Les regards de vos collègues se tournent peu à peu vers vous. Ils vous scrutent. Tous attendent une réponse de votre part.
Certains salariés préfèrent jouer carte sur table, quand d’autres marchent sur des œufs. Quelle que soit votre réaction, elle ne contentera pas tout le monde. Elle risque de même de faire des déçus, voire de vous fâcher avec votre meilleur collègue.
"Politique et entreprise ne font pas toujours bon ménage en interne, mais il faut en parler, c’est inévitable", juge Jonathan Gozard, recruteur au Mercato de l’emploi. Nulle honte pour autant de choisir de faire l’autruche, en dépit des regards inquisiteurs.
"Si cela a lieu lors d’échanges informels, vous pouvez manifester votre envie de ne pas en parler en disparaissant, je pense qu’on comprendra rapidement que c’est pas un sujet qui vous intéresse", conseille le psychologue Emeric Lebreton.
D’autant qu’à l’image de la France, votre équipe est peut-être clivée sur le dernier vote, entre les abstentionnistes, les partisans du RN, ceux de la majorité, les électeurs de gauche… ces "opinions très très différentes peuvent être source de conflits", ajoute l’expert bien-être au travail de l’émission Avec Vous.
Qu'en dit le droit?
Malgré toutes ces précautions, le sujet finira sûrement par revenir inlassablement sur la table. D’autant que les échéances des élections législatives - dimanche 30 mai et dimanche 7 juillet- approchent. Et même si le sujet prend de la place dans les échanges et du temps entre salariés, pas question pour l’employeur d’interdire ces discussions. "L’employeur ne pourra pas brider ce genre de conversation, ce serait interdit", confirme Olivia Guilhot, avocate associée au cabinet Voltaire. Vous pouvez donc débattre -sans exploser le volume sonore- dans la cafétéria.
Même la potentielle perte de productivité ne le justifie en rien.
"Attention au manager qui viendrait sanctionner tel ou tel employé parce qu’il a eu un vote qui lui a déplu" met en garde l’avocate. Chaque salarié a le droit d’exercer sa liberté d’expression dans l’entreprise. C’est un droit fondamental".
Le jugement moral du vote de votre collègue ou salarié ne doit en rien percuter le monde du travail. Ni mise au placard, ni retrait d’une promotion ne sont envisageable pour une aspiration idéologique qui vous déplaît.
Et en cas de conflit ouvert entre un dirigeant et un employé sur ce sujet, in licenciement pour motif politique serait donc injustifié, et l’employeur se retrouverait sous la menace de trois ans de prison et 45000 euros d’amende.
Le Code du travail inscrit en effet les opinions politiques parmi la longue liste des motifs discriminatoires, au même titre que l’origine, l’âge ou le sexe.
Chacun doit prendre sur soi
Plus prosaïquement, si vos collègues insistent pour connaître votre choix dans l’isoloir, il faut savoir dire non. Au risque de casser l’ambiance. "Si c'est sur le temps de travail, à un moment donné, vous pouvez simplement dire que vous êtes là pour travailler, que vous préférez parler du travail." Et tant pis pour les remarques acerbes qui sous-entendent que l’absence de réponse constitue une réponse suspecte.
En cas de discussions autour de vous qui vous embarrassent, dites-le! "Si l’on a mal vécu quelque chose, il faut en parler. Mais chacun doit prendre sur soi, rappelle Emeric Lebreton. On ne va pas rentrer en conflit avec un collègue pour une raison politique!" Et ce même en France, LE pays de la politique et du débat.
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