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La génération Z a-t-elle un problème avec le travail?

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Le monde du travail est chamboulé par les demandes nouvelles des salariés: télétravail, rythmes décalés, qualité de vie au bureau... La génération Z est pointée du doigt pour son implication moins grande au bureau. Alors, cliché ou réalité?

Trop dilettante, à cheval sur les horaires, pas prêts à des sacrifices au début de leur carrière... Les reproches adressés aux plus jeunes ne manquent pas. Leur rapport au travail de la génération Z est souvent brocardé. La "Gen Z", cette génération de travailleurs nés à partir de 1997 a-t-elle un problème avec le travail?

La question, posée sur les réseaux sociaux de BFM Business, a reçu plus de 4.700 réponses. Soit le record, toute thématique confondue, pour l'émission Avec Vous. Au total, près de deux votants sur trois ont exprimé leur accord avec cette assertion.

Loïc, chargé d'affaires, nous écrit: "curieux de voir l'âge des votants, fort à parier qu'on y retrouverait des clichés qui ont la peau dure".

Mais contrairement à ce que l'on pouvait prévoir, les plus jeunes (davantage présents sur Instagram ou X que sur LinkedIn) sont ceux qui répondent "oui" en masse. Ainsi, plus de 7 personnes sur 10 considèrent que la génération Z a un problème avec le travail sur ces réseaux prisés par les moins de 35 ans.

Une vision qui exaspère le spécialiste des ressources humaines, Bernard Coulaty. “Il faut arrêter avec ces étiquettes et ces clichés." L’enseignant à l’IESEG (école de management) récuse les procès en fainéantise faits aux jeunes.

En revanche, selon lui, la nouvelle génération donne de nouveaux types de salariés. “Je vois des jeunes de 18 ans et de 23 ans, ce ne sont déjà plus les mêmes”, assure-t-il. “On est tous la génération Y de quelqu’un d’autre”, relativise-t-il.

“Ils sont plus volatils qu’avant.” C’est la vision du recruteur sur les expériences des jeunes qui a changé. “Il y a 20 ans, un jeune qui affichait des expériences de 6 à 12 mois, (on se disait) il est instable. Aujourd’hui il (est perçu comme) agile.”

Pour certaines internautes pourtant, c'est bien un facteur générationnel qui distingue les plus travailleurs des plus fainéants: "Nos jeunes ont perdu le sens de la constance, de l'effort", juge Laurent, directeur d'agence bancaire. Sur LinkedIn, il poursuit : "une fois qu'ils ont fait le tour, ils veulent changer: c’est sans doute une génération kleenex".

"Le résultat de votre éducation !"

“C’est un sujet vieux comme le monde”, juge l’entrepreneur Julien Badr. Déjà sous l’Antiquité, les philosophes théorisaient sur la nouvelle génération jugée moins bonne que la précédente, avance le président du Mercato de l’emploi. “De génération en génération, [on dit que c’est] toujours moins bien. En réalité, elle est [très] bien !”

Julien Badr pointe du doigt “les parents”, prompt à juger les plus jeunes. “C’est le résultat de votre éducation”, tance-t-il.

La question du sens et du plaisir au travail ne daterait pas d’aujourd’hui, mais a été initiée par les travailleurs qui “ont 40 ou 50 ans”. Pour lui, la génération ne fait que poursuivre “ce chemin-là”.

“Ils n’ont pas envie de perdre leur vie à la gagner”

Sur le plateau de l'émission quotidienne "Avec Vous", Clara Moley abonde. Elle enseigne à des élèves de Master 2, qui ont autour de 23 ans.

“Ce sont des jeunes qui ont envie de travailler. De trouver leur place.” La créatrice des “règles du jeu” affirme néanmoins que la notion de “flexibilité” a changé avec cette nouvelle génération. Ces jeunes “n’ont pas envie d’être asservis et de perdre leur vie à la gagner”.

Un sentiment partagé par Ayfer, ingénieure commerciale: "La gen Z n'a aucun problème avec le travail. Elle veut juste un équilibre entre la vie privée et le travail. Le problème est que les anciennes générations croient qu'en travaillant 12h par jour, elle va avoir la médaille du mérite", commente-t-elle sur le post LinkedIn.

Pour l'avocate Déborah David, "ce que veulent les jeunes, c'est un projet". Dès lors, "s’investir ne leur pose aucun problème. En revanche, avoir à rendre des comptes à un manager qu’ils considèrent parfois comme moins efficace qu’eux ou (...) ça ne les intéresse absolument plus”, remarque celle qui côtoie étudiants et jeunes confrères.

“Les jeunes veulent changer le monde et ils ont raison ! (...) Je connais des jeunes qui sont prêts à travailler jusqu’à minuit s’ils [trouvent] du sens dans ce qu’ils font”, abonde Bernard Coulaty. D'autant que, d'après lui, un paramètre est peu pris en compte : celui du droit à la déconnexion. Il "n'existe pas" pour ces jeunes, en pratique, d'après l'expert. Cette génération est arrivée sur le marché du travail en ayant l'habitude des mails reçus en dehors des heures de travail. Ils veulent pouvoir gérer davantage leurs horaires "aller à la piscine à 15 heures", mais "travailler après les heures de bureau depuis chez eux". La flexibilité serait donc le maître-mot.

La génération la plus heureuse au travail

Le directeur général de Qualisocial, Camy Puech, a fait mener une enquête sur le rapport au travail de ces jeunes. Il en ressort que La génération Z est la plus heureuse au travail. C’est celle qui a la meilleure santé mentale (...) la meilleure qualité de vie au travail”. Et pour cause, les données soulignent une surcharge de travail ressentie à partir de 30 ans.

Avec vous du lundi 22 janvier
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Pour ces jeunes “le travail est un moyen d’améliorer leur vie pour être plus heureux”. Un changement de paradigme par rapport aux précédentes générations “qui étaient heureuses grâce au travail”. Cela se vérifie dans les chiffres. Selon l’enquête menée par Qualisocial, 41% des sondés de la génération Z sont optimistes sur l’amélioration de leur santé mentale, contre 13% seulement pour les salariés de plus de 40 ans.

“La jeune génération est épouvantable, j’aimerais tellement en faire partie”

Le directeur académique et professeur de leadership à l’IÉSEG School of Management défend la proposition de Mathieu, un auditeur conseiller en épargne qui souhait reformuler la question comme suit: "le travail a-t-il un problème avec la génération Z?" Ainsi, Bernard Coulaty ironise: “La jeune génération est épouvantable, j’aimerais tellement en faire partie”, reprenant cette citation attribuée à Oscar Wilde. L'expert appelle les entreprises à se remettre en cause et à "adapter les cultures, les niveaux d’organisation, le millefeuille des processus”. Car la bureaucratie pèse sur le moral des gen Z à en croire l’enseignant. “Ils ne supportent pas les procédures à n’en plus finir, et ils ont raison!”

Sofiane Aklouf