"Il est difficile d’établir des liens de causalité directs": face à la vague de suicides à la DGFiP, le psychiatre appelé en renfort livre son analyse

Un patient dans un couloir de la clinique Le Gouz, établissement de santé mentale, en Saône-et-Loire, le 1er avril 2021 - Jeff PACHOUD
Une vague de suicide secoue la direction générale des Finances publiques. Depuis janvier, 13 suicides et 8 tentatives ont été recensés, soit autant en six mois que sur toute l'année 2024.
En réaction, la direction a décidé d'organiser une réunion ce mercredi 9 juillet en présence des syndicats, des ressources humaines et de psychiatres. Parmi eux, le docteur François Ducrot, spécialiste des comportements suicidaires, psychiatre référent national adjoint CUMP – CHU de Lille.
Il a accepté de livrer son expertise à BFMTV. Car même si le nombre de suicides aux impôts semble particulièrement élevé (plus que dans la population générale et plus que les années précédentes), le phénomène est complexe.
"Il est difficile d’établir des liens de causalité directs entre le monde professionnel et les comportements suicidaires d’un salarié", explique le psychiatre.
"Le suicide est éminemment multifactoriel"
"Le suicide est éminemment multifactoriel. Il y a des facteurs biologiques, génétiques, des facteurs d’environnement, familiaux, financiers, des facteurs psychosociaux, évidemment", poursuit François Ducrot.
Selon le psychiatre, des événements professionnels ou des éléments liés à la pratique du travail peuvent rentrer en compte dans le déclenchement des comportements suicidaires, mais établir clairement le lien de cause à effet est difficile.
De leur côté, plusieurs sources syndicales évoquent un mal-être, une surcharge de travail et une pression exercée par la direction sur les agents des finances publiques.
La direction de la DGFiP a annoncé la tenue d'une enquête systématique en cas de suicide (qu'il se soit déroulé dans les locaux ou ailleurs) ainsi que la généralisation d'une formation en santé mentale.
10% des suicides pourraient avoir un lien potentiel avec le travail
Le phénomène est par ailleurs peu documenté statistiquement.
"Il n’existe aucun système permettant de repérer les suicides qui pourraient avoir un rapport avec le travail ou avec la situation professionnelle", explique François Ducrot.
Une étude d'Eurostat de 2019 estime tout de même que 10% des suicides pourraient, le conditionnel est important, avoir un lien potentiel avec le travail.
Par ailleurs, selon une enquête de la Dares (service statistique du ministère du Travail), les personnes les plus exposées aux risques psycho-sociaux durant les 12 derniers mois déclarent plus souvent que la moyenne des pensées suicidaires: 13% en cas de mauvais rapports sociaux au travail et 10% en cas de conflit de valeurs, d’exigences émotionnelles ou d’insécurité économique (contre 5% en moyenne chez les personnes en activité).
Si vous ou l’un de vos proches a des pensées suicidaires, c’est un signal d’alarme qu’il faut prendre très au sérieux.
Appelez le 3114, le numéro national de prévention du suicide. La ligne est ouverte 24h/24, 7j/7. L’appel est gratuit et confidentiel. Un professionnel de soins (infirmier ou psychologue), spécifiquement formé à la prévention du suicide, sera à votre écoute afin d’évaluer votre situation et vous proposer des ressources adaptées à vos besoins ou à ceux de vos proches.
En cas de risque suicidaire imminent, appelez le SAMU (15) ou le 112 (numéro européen). Vous trouverez des conseils et des ressources sur le site www.3114.fr, que vous soyez personnellement concerné ou que cela concerne l’un de vos proches.