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ÉDITO. La France et l'Europe sont "soumises" à la tech américaine, que peut faire Macron pour réveiller les Européens?

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Emmanuel Macron est attendu ce mercredi à VivaTech, où il défendra la souveraineté technologique européenne face aux géants américains et chinois. Mais cette bataille n’est-elle pas déjà perdue ?

L’Europe est la grande absente du top 10 des big tech mondiales. On résume souvent la situation d’un trait cruel: les États-Unis ont les GAFAM, la Chine les BATX... et l’Europe le RGPD.

Mais les lignes commencent à bouger. Paris vient de décrocher la 4e place mondiale dans le classement 2025 du Global Tech Ecosystem Index de Dealroom, derrière San Francisco, New York et Boston — mais devant Londres, Stockholm ou Munich. Paris est désormais la première ville tech d’Europe. Cocorico!

La France devient un eldorado pour les start-up. Très bien. Mais ce qui manque encore, et que le président de la République devrait marteler ce matin à VivaTech, c’est la souveraineté numérique. Pas seulement française, mais européenne. Car c’est bien à cette échelle que tout se joue. Or, sur ce terrain, nous sommes encore très loin du compte.

"Choisir librement"

Car concrètement, nous dépendons toujours largement des États-Unis. 72% du cloud européen est aux mains de trois géants américains. 70% des données françaises sont hébergées outre-Atlantique. Même les référentiels de cybersécurité comme SecNumCloud ne suffisent pas à nous libérer de cette emprise. Comme le résume le président du Medef dans Les Échos ce matin:

"Celui qui n’est pas maître de ses infrastructures, de ses technologies et de ses données n’a plus les moyens de choisir librement. Et quand on ne choisit plus… on subit."

Et ce n’est pas seulement une question de souveraineté: c’est un rapport de force. Une guerre, même.

L’Edito de Raphaël Legendre : La nécessité d'une souveraineté numérique - 11/06
L’Edito de Raphaël Legendre : La nécessité d'une souveraineté numérique - 11/06
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D’un côté, l’Europe essaie d’imposer des règles du jeu. Le Digital Markets Act (DMA) pour garantir une concurrence loyale, le Digital Services Act (DSA) pour rendre l’espace numérique plus sûr.

De l’autre, les États-Unis contre-attaquent. Dernier exemple en date: la section 899 de la "big beautifull bill" de Donald Trump, une riposte fiscale visant les pays ayant instauré une taxe GAFAM. Une mesure qui pourrait coûter plusieurs milliards d’euros à la France. C’est une déclaration de guerre économique. Plus violente, à bien des égards, que de simples hausses de droits de douane.

Washington veut tuer dans l’œuf toute tentative de régulation venue d’Europe. Empêcher la mise en place de taxes. Affaiblir nos règles. Et, surtout, nous interdire de reprendre le contrôle de notre écosystème numérique.

Un chantier de 30 ans

Alors que faire? Répondre. Et surtout, agir. Emmanuel Macron devrait lancer un appel à un "Choose Europe for Tech". Inciter les entreprises européennes à choisir des solutions européennes: en IA, en cloud, en cybersécurité, en puces, en quantique.

Mais soyons lucides: bâtir une souveraineté numérique est un chantier de long terme, 20 ou 30 ans au minimum. Il faut commencer maintenant.

Et si l’on veut voir le verre à moitié plein : peut-être que Donald Trump, par son agressivité, est en train de devenir, bien malgré lui… le meilleur bâtisseur de l’Europe numérique de demain.

Raphaël Legendre