ÉDITO. Inéligibilité de Marine Le Pen: dura lex, sed lex

Deux questions se posent après le séisme politique que représente la condamnation de Marine Le Pen à une peine de cinq ans d'inéligibilité, avec exécution provisoire.
D'abord, l’État de droit a-t-il été respecté? Marine Le Pen et le Rassemblement national ont-ils détourné plus de 4 millions d’euros de fonds européens pour payer leurs attachés parlementaires en France? Oui. Un homme ou une femme politique est-elle au-dessus de la loi? Non.
La décision de la juge, et notamment l’exécution provisoire, était-elle proportionnelle? Là est tout le débat. Mais proportionnelle à quoi? Aux 37% crédités à la candidate à l’élection présidentielle au premier tour? Une popularité sondagière vaudrait donc passe-droit? Et bien non.
Marine Le Pen elle-même a porté dans son projet présidentiel l'inéligibilité à vie pour ceux qui ont été condamnés. Jordan Bardella expliquait il y a quelques mois sur le plateau de BFMTV qu’avoir une condamnation judiciaire interdisait l’accès à une élection parlementaire. Et voilà que certains estiment désormais que cette décision de justice porte atteinte à la démocratie.
Respect de l'État de droit
Parce que priver une figure politique de premier plan de la possibilité de se présenter aux élections revient à confisquer le choix des électeurs? Cette analyse est populiste, au sens premier du terme. Elle occulte un principe fondamental qui s’appelle l'État de droit.
L'État de droit, qui garantit que toutes les autorités publiques agissent toujours dans les limites fixées par la loi. C'est tout simplement ce qui protège contre l'arbitraire et garantit l'égalité de tous devant la justice.
Il suffit d’ailleurs de dresser la liste des dirigeants illibéraux qui ont réagi pour dénoncer la décision de justice: Poutine, Medvedev, Orban, Bolsonaro, Musk…
Quelle sera la réaction du RN et de ses électeurs?
Ce qui est rassurant dans tout cela, c’est la réaction des Français: 57% estiment que la décision de justice est normale au vu des faits reprochés selon un sondage Elabe BFMTV. Et 54% estiment même qu’elle "a été traitée comme n’importe quel justiciable" et "cette décision prouve que notre démocratie fonctionne bien", selon un sondage Odoxa-Backbone pour Le Figaro.
Reste une question: quelle sera la réaction du RN et de ses 11 millions d’électeurs? Est-ce qu’ils décident de "bordéliser" la scène politique, par exemple par une censure? Il existe en tout cas un risque réel d’une division accrue des Français.
Et encore une fois, la tentation de dénoncer la République des juges et l’État de droit. Ça s’appelle une société illibérale.