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EDITO. Droits de douane: jusqu'ici, l’Europe passe avec succès le stress test américain

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Le commissaire européen au Commerce, Maros Sefkovic, se rend aujourd’hui à Washington pour discuter droits de douanes. Dans le tumulte de la prise de pouvoir de Donald Trump, l’Europe a bien manœuvré jusqu’à présent.

Qu’il s’agisse du besoin de réarmement de l’Europe ou de la réponse à la guerre commerciale lancée par Washington, l’Union européenne (UE) vient de réussir deux stress tests avec brio. À chaque crise, la réponse a été rapide et la Commission a visé juste.

Trois constats s’imposent. À l’heure où les États-Unis deviennent un pôle d’instabilité, l’UE a su jouer une partition en contrepoint, parfaitement maîtrisée. Elle a démontré à la fois sa capacité à ne pas sur-réagir et à renforcer son action au bon moment. C’est essentiel.

Nous disposons désormais d’un outil "anti-coercition" particulièrement dissuasif, auquel la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, n’a pas hésité à ajouter — vendredi, dans une interview au Financial Times — l’idée d’une taxe sur les revenus publicitaires des services numériques. C’est presque l’arme nucléaire face aux États-Unis.

Mais surtout, l’UE a conservé son unité. Il faudra bien sûr surveiller les prises de position futures de Giorgia Meloni — attendue à Washington le 17 avril — ou de Viktor Orbán, ouvertement pro-Trump et anti-Bruxelles. Mais vendredi et samedi, l’ensemble des ministres des Finances des Vingt-Sept, réunis à Varsovie, ont soutenu à l’unanimité l’action de la Commission dans cette guerre commerciale.

Qu’est-ce que cela signifie si l’on prend un peu de recul? Cela signifie qu’après le Brexit (de 2016 à 2020), pendant lequel l’UE est toujours restée soudée; après la crise de la Covid à partir de 2020, qui a conduit pour la première fois à un endettement commun; l’Europe a su faire front.

Cette solidarité renforce l’attachement des citoyens au projet européen. Cela infuse. Y compris au sein de l’extrême droite souverainiste, qui continue de progresser à travers l’Europe, mais au sein de laquelle on ne parle plus de sortir de l’euro ni de démanteler l’Union. On appelle désormais à la transformer de l’intérieur.

L’Union européenne a-t-elle passé un cap?

L'Europe est-elle en train de passer de l’adolescence à l’âge adulte? Il reste encore plusieurs étapes à franchir avant d’atteindre la maturité. Nous demeurons trop dépendants des États-Unis dans le domaine technologique. Notre marché intérieur est encore trop fragmenté. Il est impératif de compléter notre architecture institutionnelle — notamment par la création d’un Trésor européen, qui apporterait une deuxième jambe à la politique monétaire et rendrait possible un véritable endettement commun. Enfin, une réforme institutionnelle est indispensable pour sortir de la règle de l’unanimité, qui paralyse trop souvent les Vingt-Sept.

Mais, indéniablement, quelque chose est en train de se passer en Europe. L’arrivée de Friedrich Merz à la Chancellerie, prévue début mai, devrait encore accélérer cette transformation: le plan d’investissement allemand et la levée du frein à l’endettement constituent deux véritables game changers pour l’ensemble du continent.

À l’inverse, un élément majeur pourrait freiner la construction européenne: la situation des finances publiques françaises. C’est peut-être là la première raison pour laquelle nous devons impérativement les redresser. Ce sera un facteur déterminant dans le renforcement de la souveraineté européenne.

Raphaël Legendre