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Union européenne

Le traité avec le Mercosur est loin d'être le seul: l'UE a signé une quarantaine d'accords et négocie actuellement avec l'Inde, la Thaïlande, la Malaisie ou encore les Émirats

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Au moment où l'accord commercial avec les pays sud-américains du Mercosur approche de la ligne d'arrivée, l'Union européenne mène des négociations avec d'autres partenaires, notamment asiatiques.

En dépit des tentations protectionnistes sur la planète, l'Union européenne affiche une confiance inébranlable dans le libre-échange. Alors que l'horizon s'éclaircit pour l'accord commercial entre l'Europe et les pays sud-américains du Mercosur, que Bruxelles espère voir entrer en vigueur d'ici la fin de l'année, des agriculteurs se mobilisent une nouvelle fois ces jours-ci à l'appel de la FNSEA pour faire entendre leur voix, opposante de la première heure à l'allègement des barrières douanières sur les produits argentins, uruguayens et surtout brésiliens.

L'Union européenne n'est pas novice en matière de libre-échange: les Européens ont déjà signé une quarantaine d'accords commerciaux couvrant 80 pays dans le monde à l'heure actuelle. Outre le large traité avec le Canada, d'autres accords commerciaux sont successivement entrés en vigueur ces dix dernières années, parfois assortis d'une dimension politique. La Corée du Sud (2015) a été suivie par la Géorgie (2016), la Moldavie (2016), l'Ukraine (2017), le Japon (2019), Singapour (2019), le Vietnam (2020), le Royaume-Uni post-Brexit (2021) ou encore la Nouvelle-Zélande (2024).

Le monde qui bouge - L'Interview : Mercosur, Paris demande des garanties - 11/09
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Dernier rapprochement en date, l'UE et l'Indonésie ont annoncé mardi dernier la conclusion de leurs longues négociations entamées en 2016, ouvrant la voie à la signature d'un accord commercial entre l'Europe et la plus grande économie d'Asie du Sud-Est. Du côté de Bruxelles, plus que jamais convaincue de la force du libre-échange face à l'offensive douanière de Donald Trump, l'heure n'est pas au ralentissement. Au-delà du dossier brûlant du Mercosur, d'autres partenaires commerciaux s'attardent encore à la table des négociations, en particulier du côté de l'Asie-Pacifique.

• Inde

Après un tumultueux jeu diplomatique de "oui, mais non" qui aura duré près de vingt ans, l'Inde et l'Union européenne se disent maintenant déterminées à conclure un accord commercial d'ici la fin de l'année: s'il se concrétisait, il s'agirait de l'un des plus importants accords de libre-échange jamais signés dans le monde. Alors que l'Inde est appelée à devenir la troisième économie du monde d'ici 2030, l'UE est persuadée d'avoir beaucoup à gagner d'un tel accord commercial, qui pourrait ouvrir les portes du marché indien à ses voitures ou ses produits agroalimentaires.

Le coup d'envoi des négociations en vue d'un traité de libre-échange avait été donné en 2007, mais les discussions, compliquées, avaient été suspendues dès 2013. En 2021, lors d'un sommet au Portugal, Indiens et Européens s'étaient donné une seconde chance en relançant les négociations sur un accord de libre-échange, y ajoutant un deuxième accord sur les investissements et un troisième accord sur les indications géographiques. Les négociations ont toutefois continué de piétiner, jusqu'au retour de Donald Trump qui a contraint les deux parties à donner un coup d'accélérateur.

Bruxelles et New Delhi peinent toutefois à s'entendre sur les denrées agricoles, les produits industriels ou la propriété intellectuelle, d'autant plus que l'Inde est un pays très protectionniste. Les liens étroits entre l'Inde et la Russie, en particulier pour l'achat de pétrole russe, compliquent de plus sérieusement les discussions avec Bruxelles.

• Asie du Sud-Est

Dans les années 2000, des discussions avaient été amorcées entre l'Union européenne et l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean), qui regroupe une dizaine de pays asiatiques, parmi lesquels le Vietnam, l'Indonésie, la Malaisie ou le Cambodge. En l'absence d'avancées concrètes, les Européens avaient finalement préféré négocier des accords bilatéraux séparés avec les différents pays concernés, l'un après l'autre. Après Singapour, un accord de libre-échange avec le Vietnam est entré en vigueur en 2020: il supprimera 99% des droits de douane sur les biens d'ici à 2030.

De même qu'avec l'Inde, les négociations se sont aujourd'hui accélérées avec l'Asie du Sud-Est. Lancées en 2010 puis interrompues en 2012, les négociations avec la Malaisie ont été officiellement relancées en janvier 2025.

"Les discussions ont été marquées par un engagement constructif et sincère des deux parties", a déclaré la Commission européenne à l'issue du premier cycle de négociations au début de l'été.

Selon le Premier ministre malaisien, un tel accord entre Bruxelles et Kuala Lumpur pourrait favoriser les exportations d'huile de palme et de produits électroniques vers l'UE.

Par ailleurs, des discussions ont été relancées avec la Thaïlande en 2023 – mises en route en 2013, elles avaient été suspendues dès l'année suivante en raison du putsch militaire dans le pays – pour lesquelles un nouveau cycle de négociations est prévu à Bruxelles la semaine prochaine. En parallèle, des négociations ont été aussi relancées avec les Philippines en octobre dernier, après sept ans d'interruption.

• Australie

En 2018, les États membres avaient donné leur feu vert à l'ouverture de négociations avec la Nouvelle-Zélande et l'Australie. Pour la première, le dossier a avancé sans encombre et s'est conclu par l'entrée en vigueur d'un accord de libre-échange au 1er mai 2024, supprimant ou réduisant considérablement les droits de douane entre l'UE et l'archipel océanien. Dans le second cas, le chemin est plus chaotique. Bruxelles et Canberra peinent à trouver un terrain d'entente, l'Australie ayant même annoncé se retirer des négociations en octobre 2023. Aucune reprise n'est à l'ordre du jour.

De même qu'avec l'Amérique latine, les productions agricoles australiennes (le sucre et la viande de bœuf, entre autres) suscitent une certaine méfiance du côté de l'Europe – le point de vue est sensiblement le même en Australie. Les Européens lorgnent toutefois sur les riches gisements australiens de minéraux stratégiques, nécessaires à la fabrication des éoliennes ou des batteries pour les véhicules électriques, afin de réduire leur dépendance à l'égard de la Chine et de la Russie.

• Émirats arabes unis

En 1990, l'UE avait entamé des négociations avec les pays du Conseil de coopération du Golfe (Arabie saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar) en vue d'un accord de libre-échange entre les deux blocs, mais elles avaient été stoppées en 2008. Des discussions bilatérales ont été ainsi officiellement lancées en mai dernier avec les Émirats arabes unis. Les négociateurs "ont pu commencer à s'entendre sur un texte où les approches des deux côtés convergent", a déclaré la semaine dernière la Commission européenne à l'issue du deuxième cycle de négociation.

Au-delà des droits de douane sur les marchandises, Bruxelles et Abu Dhabi espèrent profiter d'importantes opportunités en matière de commerce et d'investissement "dans des secteurs de pointe" tels que l'intelligence artificielle, les énergies renouvelables, l'espace ou la logistique, indiquait un communiqué de presse de la Commission européenne à l'occasion du lancement des négociations avec les Émirats arabes unis.

Jérémy Bruno Journaliste BFMTV