L'appel du gouverneur de la Banque d'Angleterre à "modérer les hausses de salaires" provoque un tollé

Au plus haut depuis 30 ans, l’inflation britannique a contraint la Banque d’Angleterre à agir. La semaine dernière, la BoE a annoncé une deuxième hausse de taux consécutive de son taux directeur, à 0,5%, alors que la hausse des prix a atteint 5,4% en décembre sur un an et devrait avoisiner les 7,25% en avril, notamment en raison de la flambée de l’énergie.
"Nous faisons face à une vraie compression des revenus réels, nous pensons que cela ralentira la demande. Si nous ne remontons pas les taux, les effets seront pires", a déclaré le gouverneur de la BoE Andrew Bailey lors d'une conférence de presse.
Mais ces derniers jours, ce sont d’autres propos, bien plus polémiques, tenus par Andrew Bailey qui font réagir au Royaume-Uni, rapporte CNBC. Interrogé par la BBC pour savoir si la Banque d’Angleterre demandait aux travailleurs de ne pas réclamer des augmentations de salaires trop élevées pour ne pas alimenter l’inflation, le gouverneur a répondu: "Globalement, oui". Il a également appelé les entreprises à faire preuve de "retenue" et préconisé "une modération des hausses de salaires", estimant que "nous devons passer par là pour régler le problème (de l’inflation) rapidement" et éviter que le phénomène ne devienne "incontrôlable".
La crainte d’Andrew Bailey en cas d’envolée des salaires, c’est de voir se déclencher une boucle prix-salaires qui ne ferait qu’aggraver l’inflation et dont il serait difficile de s’extirper. Dans ce scénario, les chefs d’entreprises accorderaient des revalorisations à leurs employés puis augmenteraient leurs prix pour préserver leurs marges, ce qui alimenterait à nouveau l’inflation, encourageraient les salariés à réclamer de nouvelles augmentations… Et ainsi de suite.
"Scandaleux"
Quelles que soient leurs intentions, les déclarations d’Andrew Bailey ont suscité un tollé outre-Manche, et notamment sur les réseaux sociaux. Son appel à la modération salariale a été jugé particulièrement déplacé compte tenu du niveau de sa rémunération annuelle fixée à 575.000 livres (683.000 euros).
Un porte-parole du Premier ministre Boris Johnson a d’ailleurs refusé d’aller dans le sens du gouverneur: "Ce n'est pas quelque chose que le Premier ministre réclame. Nous voulons évidemment une économie à forte croissance et nous voulons que les salaires des gens augmentent", a-t-il dit.
De leur côté, les syndicats n’ont pas caché leur colère: "Dire aux travailleurs qui ont porté ce pays durant la pandémie qu’ils ne méritent pas une augmentation de salaire est scandaleux", a déclaré Gary Smith, secrétaire général du syndicat GMB. "Selon M. Bailey, les soignants, les travailleurs du NHS (système de santé britannique), les éboueurs, les employés de magasins et bien d’autres devraient simplement avaler une réduction de salaire massive en termes réels alors que beaucoup doivent choisir entre se chauffer et manger", a-t-il ajouté.