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Union européenne

Gaz, pétrole: quel coût pour les économies européennes en cas d'embargo sur les importations russes?

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Selon une étude du Conseil d'analyse économique, le revenu national brut tricolore pourrait reculer de 0,15 à 0,3% en cas d'embargo européen sur les importations de gaz et pétrole en provenance de Russie. L'ampleur du choc serait toutefois bien plus lourd pour les pays les plus dépendants des approvisionnements russes.

Bruxelles veut accroître la pression sur Moscou. Après la découverte de corps de civils dans la région de Kiev, notamment à Boutcha, l’Union européenne a pointé du doigt "les atrocités rapportées commises par les forces russes" en Ukraine et annoncé discuter en "urgence" de nouvelles sanctions contre la Russie.

Epargné jusqu’à présent faute d’unanimité entre les 27 Etats membres, le secteur énergétique pourrait finir par entrer dans le champ d’application des sanctions européennes. Si l'Allemagne juge impossible de se passer du gaz russe "pour le moment", la ministre de la Défense, Christine Lambrecht, a déclaré dimanche que l’UE devait tout de même débattre d’une telle interdiction.

L'économie française peu affectée

Au-delà du gaz, certains poussent pour imposer un embargo encore plus large qui concernerait également le pétrole et le charbon russes. Reste que les 27 peinent à se mettre d’accord sur ce sujet, certains Etats membres étant bien plus dépendants de la Russie que d’autres pour leur approvisionnement énergétique. Si bien que l’ampleur du choc économique résultant d’une interdiction d’importations de gaz, pétrole et charbon russes serait très hétérogène au sein du continent.

C’est en tout cas la conclusion des travaux du Conseil d’analyse économique (CAE) qui a tenté de mesurer l’impact d’un embargo sur les hydrocarbures en provenance de Russie pour les économies européennes. Un tel scénario aurait "des effets en cascade le long des chaînes de valeur de production", souligne l’organisme indépendant rattaché à Matignon.

Malgré tout, la France serait relativement épargnée avec une baisse du revenu national brut comprise entre 0,15 et 0,3%. Soit à peu près comme l’Italie ou l’Espagne. Pour l’Allemagne en revanche, les conséquences seraient plus lourdes avec une baisse de son revenu national brut de 0,3 à 3%. Il faut dire que 55% du gaz et 34% du pétrole importés en Allemagne viennent de Russie, contre 20% et 13% pour la France. D’où un choc plus important outre-Rhin, même s’il celui-ci resterait "globalement modéré" car il "peut être absorbé", estiment les auteurs de l’étude.

Les entreprises "capables de minimiser l’impact du choc"

Avec des baisses de revenus nationaux estimées entre 1 et 5%, la Lituanie, la Bulgarie, la Slovaquie, la Finlande et la République Tchèque seraient les pays européens les plus exposés à une interdiction des importations de gaz et pétrole russes. Reste qu’à l’échelle du continent, l’impact économique d’un embargo, sauf pour ces derniers pays, seraient "relativement faible", assure le Conseil d’analyse économique. Il amputerait le revenu national brut de 0,2 à 0,3%, soit environ 100 euros par adulte en moyenne.

Cela "s’explique par le fait que même à court terme, les entreprises et l’économie dans son ensemble peuvent substituer (même très partiellement) des sources d’énergie à d’autres et des biens intermédiaires ou finaux à d’autres. L’analyse des expériences historiques de chocs très forts (Fukushima au Japon ou Covid en Chine) ayant des effets potentiels tout au long des chaînes de valeur de production montre également que les entreprises individuellement et l’économie globalement sont capables de minimiser l’impact du choc", ajoutent les auteurs de l’étude.

En France, le CAE estime, compte tenu des capacités à substituer le gaz russe, que la mise en place d’un embargo ferait diminuer l’approvisionnement en gaz naturel de 15%, contre une baisse de 30% en Allemagne. En revanche, "la substitution des importations russes de pétrole et de charbon sera probablement beaucoup plus facile" grâce à la compensation d’autres pays exportateurs qui permettront de "combler la quasi-totalité du déficit".

Un impact moins lourd en cas de tarifs douaniers punitifs

Outre le scénario d’un embargo sur les importations de gaz, pétrole et charbon russes, le Conseil d’analyse économique a évalué l’impact d’une seconde hypothèse, celle de tarifs douaniers à hauteur de 40% sur les importations énergétiques en provenance de Russie. Si cette sanction était retenue, elle réduirait "d’environ 80% les quantités importées (contre 100% dans le cas d’un embargo", estime le CAE.

Les pertes économiques, elles, seraient divisées par 3 ou 4 par rapport au scénario d’embargo pour les pays les plus dépendants des approvisionnements russes. "En revanche, la différence est très faible pour des pays comme la France" car "les 20% d’importations restantes iraient aux pays et aux entreprises les plus dépendants de cette source d’approvisionnement", concluent les auteurs de l’étude.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco